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Interview de Catherine Annoot-Dionisi

Catherine Annoot-Dionisi est mère d’un enfant de sept ans à qui elle a appris à lire en utilisant la méthode Doman.

Après lui avoir appris à lire à un âge particulièrement précoce, elle s’est rendue plusieurs fois aux Etats Unis, aux Instituts pour la Réalisation du Potentiel Humain, créés il y a plus de quarante ans par Glenn Doman et ses collaborateurs. Elle y a suivi trois séminaires, les deux premiers étant consacrés aux apprentissages chez les enfants bien portants et le dernier aux enfants souffrant de lésions cérébrales.

Comment avez-vous découvert cette fameuse méthode Doman ?
J’ai lu « J’apprends à lire à mon bébé », livre dans lequel Glenn Doman exposait sa méthode d’apprentissage précoce de la lecture.

Comment avez-vous appliqué cette méthode ?
J’avais d’abord besoin de davantage d’informations.
J’ai donc commandé à Philadelphie des livres et des K7 vidéo en Anglais. J’ai alors compris beaucoup de choses, et, en quelques mois, mon fils savait lire. Fort heureusement pour ceux qui l’achètent aujourd’hui, la nouvelle édition de « J’apprends à lire à mon bébé » comporte des explications complémentaires.

Qu’est-ce qui vous avait empêché de réussir ?
Pour réussir avec ce seul livre, il aurait fallu que j’ai un enfant qui ne s’agite pas dans tous les sens, un enfant qui réponde quand on lui parle. Il aurait suffi qu’il désigne, même sans parler, ses réponses. Mais non, il regardait vaguement, ou même ne regardait pas du tout, le matériel que je lui présentais. Je n’avais pas encore compris que l’essentiel, c’est de plonger l’enfant dans un bain de langage écrit, exactement de la même façon qu’on le plonge dans un bain de langage oral dès la naissance.

Qu’entendez-vous exactement par « plonger l’enfant dans un bain de langage écrit » ?
De même qu’on se contente d’exposer les enfants au langage oral, on devrait se contenter d’exposer ces mêmes enfants au langage écrit, sans jamais chercher à les tester, sans jamais leur demander de lire à haute voix (ils s’y mettent tout seuls quand ils en ont envie), sans jamais les obliger à regarder ce qu’ils n’ont pas envie de regarder.
Il faut absolument se contenter de leur présenter un matériel adapté à leurs circuits visuels immatures et, surtout, adapté à leurs centres d’intérêt.

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 Â« AdaptĂ© Ă  leurs centres d’intĂ©rĂŞt » ? C’est Ă  dire ?
Si votre petit garçon est passionnĂ© par tout ce qui roule, commençez donc par lui  montrer les mots « voiture », « camion », « CitroĂ«n », « Peugeot », « Mercedes »…Un peu plus tard, vous passerez  Ă  « voiture rouge », « voiture verte », « camion bleu »… « la voiture roule », « la voiture dĂ©marre »…
S’il en est au stade des balles et des ballons, allez-y de la même façon.
D’ailleurs, le plus facile est de commencer avec un bébé de quelques mois qui ne marche pas encore à quatre pattes parce qu’à cet âge là, tout ce qui est nouveau l’intéresse : ses centres d’intérêt ne sont pas encore bien définis.

Vous pensez vraiment qu’un bébé de quelques mois est capable d’apprendre à lire ?
 Bien sĂ»r ! D’ailleurs, plus il est jeune et plus c’est facile. Le problème, Ă  cet âge lĂ , ne vient pas du bĂ©bĂ© mais de l’adulte qui n’est pas vraiment convaincu que son rejeton est rĂ©ellement capable d’apprendre Ă  lire.
La lecture n’est pas plus difficile que la compréhension du langage parlé. Il s’agit dans un cas de compréhension de symboles visuels et, dans l’autre, de symboles auditifs.

Viendrait-il à quiconque l’idée de commencer à parler aux enfants au plus tôt à l’âge de 5/6 ans ?
Que de difficultĂ©s alors en perspective ! ! ! On verrait  fleurir en pagaille des associations et des comitĂ©s de lutte contre les difficultĂ©s d’apprentissage du langage oral. On s’inquiĂ©terait - Ă  juste titre - qu’un grand nombre d’élèves de 6ème ne puissent comprendre ce que leur disent pourtant clairement et simplement les professeurs . On gaspillerait beaucoup de temps et d’argent  en remettant rĂ©gulièrement les pauvres gosses dans les mains de rĂ©Ă©ducateurs et de psychologues de tous poils, ces derniers recherchant dĂ©sespĂ©rĂ©ment la pathologie familiale ou le trouble relationnel mère-enfant qui serait Ă  l’origine de la difficultĂ© de l’enfant Ă  comprendre l’oral…Bien sĂ»r personne ne songerait Ă  incriminer l’âge tardif du dĂ©but de cet apprentissage, exactement comme c’est le cas aujourd’hui pour l’âge officiel Ă´ combien tardif du dĂ©but de l’apprentissage de la lecture !
Il n’est bien entendu pas question d’utiliser avec des tout petits les méthodes besogneuses qu’on utilise avec les plus grands. Ils n’en ont d’ailleurs aucun besoin : leur cerveau leur permet d’apprendre sans aucune difficulté le langage oral et le langage écrit.

Vous voulez donc leur apprendre à lire alors qu’ils ne sont pas encore capables de parler. N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ?
En aucun cas.
Lire, ce n’est pas lire à haute voix, c’est simplement comprendre un langage visuel.
Si on ne parle pas Ă  un enfant pendant la « pĂ©riode sensible » au langage parlĂ©, il Ă©prouvera des difficultĂ©s Ă  comprendre ce langage, puis Ă  le parler par la suite…C’est une Ă©vidence. Et bien, si on ne montre pas Ă  un bĂ©bĂ©, comme c’est le cas aujourd’hui, du langage Ă©crit pendant la « pĂ©riode sensible » Ă  ce langage, il Ă©prouvera aussi des difficultĂ©s Ă  le comprendre, donc Ă  le lire,  puis Ă  l’écrire…

Il y a pourtant de bons, voire d’excellents lecteurs, qui n’ont guère commencé à apprendre à lire avant l’âge de 5/6 ans. Ceci ne contredit-il pas votre thèse ?
Il y a aussi des gens capables de maîtriser parfaitement une langue étrangère apprise après l’âge de 6 ans, et même à l’âge adulte ! Mais le nombre d’individus qui réussissent ce tour de force est extrêmement limité.
Il y a effectivement des gens dotés d’un cerveau leur permettant d’apprendre à lire correctement à l’âge tardif de 5/6 ans, voire à l’âge adulte dans de très rares cas. Il y a aussi des gens dotés d’un cerveau leur permettant par exemple de découvrir les lois de la relativité ou de dessiner comme Léonard de Vinci…
Faut-il persévérer dans l’erreur sous prétexte que quelques uns « y arrivent » malgré tout ?

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A quel résultat êtes-vous arrivée, concrètement parlant ?
J’ai commencé à apprendre à lire à mon fils lorsqu’il avait un an. A 18 mois, alors qu’il ne parlait pas encore, il était capable de désigner, en une fraction de seconde, n’importe quel mot au milieu d’un texte d’une vingtaine de mots (même s’il n’avait jamais vu le texte en question).
A quatre ans, il lisait déjà comme un adulte excellent lecteur.

Nos lecteurs vont probablement se dire que le cas de votre enfant est exceptionnel et qu’il bénéficiait au départ de dons particuliers…
Quasiment tous les enfants qui ont appris à lire à un âge analogue et de cette façon ont su lire à un âge très précoce.
Certains ont su lire à 18 mois, d’autres à 2 ans, certains seulement à 3 ans…Mais quelle importance ?

Y a-t’il d’autres avantages à l’apprentissage précoce de la lecture ?
Evidemment.
En améliorant leur savoir-lire, les enfants développent leur savoir-faire dans de nombreux domaines. Par exemple, les retombées sur l’apprentissage de l’écriture sont extrêmement positives : sans jamais avoir appris la moindre règle d’orthographe ou de grammaire, ils ne font pratiquement pas de fautes. Ayant appris à lire sans effort et avec plaisir, ayant eu accès à des domaines normalement réservés aux seuls lecteurs, ils ont développé leur goût de la connaissance.
Et bien entendu, à l’âge fatidique de 5/6 ans, ils peuvent se consacrer à des activités et à des apprentissages autrement plus intéressants et enrichissants que le fastidieux apprentissage du couple lecture-écriture.

Mais cette méthode, que vous nous décrivez comme une méthode de rêve, a sans doute son lot d’échecs, comme toutes les autres, non ?
Presque tous les enfants ayant appris de cette façon savent lire, avec une parfaite compréhension, avant l’âge de 5/6 ans. Et si certains enfants n’y parviennent pas ainsi, on peut dire que c’est une véritable bénédiction que de s’en apercevoir si tôt. Car alors, on va pouvoir traiter les dysfonctionnements neurologiques (on sait aujourd’hui que la plupart des cas de dyslexie sont dus à des dysfonctionnements neurologiques) qui les auraient, de toutes façons, empêché d’apprendre à lire à l’école et qui, pratiquement toujours, leur posent également des problèmes, à divers degrés, dans d’autres domaines que la lecture.
Sincèrement, la plupart des échecs sont dus au fait que les parents abandonnent.

Pourquoi tant de parents arrêtent-ils ce qui les avait tant séduit au départ ?
Parce qu’ils n’y croyaient pas vraiment ou parce que leur entourage les en dissuadait.
Parce que leurs enfants ne supportaient pas d’être testĂ©s. Parce qu’ils ne supportaient pas que chaque mot leur soit prĂ©sentĂ© pendant plusieurs secondes, alors qu’ils leur suffisait d’une fraction de seconde pour le percevoir. Parce qu’ils ne supportaient pas de revoir  si souvent les mĂŞmes mots, les mĂŞmes couples de mots, les mĂŞmes phrases... LĂ  je suis très optimiste parce qu’en gĂ©nĂ©ral les parents s’arrĂŞtent au stade des mots : ils les ont prĂ©sentĂ©s ad nauseum Ă  leur bambin qui part dans la direction opposĂ©e dès qu’il aperçoit un carton recouvert de grosses lettres rouges…Le test, le rabachage et la lenteur sont des pĂ©chĂ©s mortels que commettent sans cesse les parents tant ils ont Ă©tĂ© conditionnĂ©s par les mĂ©thodes scolaires qu’ils ont eux-mĂŞmes subies. 

Passons-nous notre temps à tester les enfants à qui nous parlons pour vérifier qu’ils ont bien compris les mots et les phrases que nous leur disons ? Attendons-nous d’être sûrs qu’ils aient bien compris les mots « papa » et « maman » avant de prononcer ceux de « mamy », « grand-père », « sourire », « ballon » etc., etc.… ?

Les enfants sont avides d’apprendre, avides de nouveautĂ©s…ils se dĂ©tournent vite des rĂ©pĂ©titions ennuyeuses, et ce d’autant plus que leur cerveau assimile Ă  la vitesse de l’éclair. Simplement, ils n’ont encore que peu de moyens de  nous le faire savoir . D’ailleurs, ils n’en ont cure de nous le faire savoir ! Ils sont Ă  des annĂ©es lumière d’imaginer l’importance que nous accordons Ă  la maĂ®trise de la lecture. Ils apprennent Ă  lire comme ils apprendraient le Russe avec des Russes , le Français avec des Français ou le Chinois avec des Chinois !
Beaucoup abandonnent parce que personne ne peut les aider,  parce que personne autour d’eux ne peut les faire bĂ©nĂ©ficier d’une expĂ©rience positive. Ils sont seuls face Ă  des difficultĂ©s inconnues et face Ă  l’adversitĂ© de l’entourage. "

(Extrait d’un article paru dans la revue Ecole & Parents de Septembre/Octobre 2000)

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Mise en oeuvre (trucs)

Ne pas se casser la tĂŞte avec les cartons de mots ou couples de mots...
Sauf pour les tout petits pour lesquels il faut de grands panneaux avec de très grosses lettres, vous pouvez prendre des feuilles de papier 21/29,7 que vous pliez en deux dans le sens de la longueur. Vous en faites un petit stock et vous écrivez dessus à main levée (ça n'a pas besoin d'être parfait et il suffit de s'entraîner un tout petit peu à faire l'alphabet d'imprimerie) avec un feutre à l'eau qui ne traverse pas le papier. Il faut aussi passer au noir dès qu'on diminue la taille des mots (question de contraste).
Pour les livres, vous pouvez acheter des feuilles de bristol en 21/29,7 que vous perforez et pouvez relier avec des anneaux,  du fil de nylon de pĂŞche que vous passez Ă  la flamme, ou tout bĂŞtement de la ficelle (le plus Ă©colo et le moins cher).
Surtout, évitez le perfectionnisme dans la forme. Ca prend tellement de temps qu'on finit par se décourager et qu'on en oublie l'essentiel.

Bibliographie

  • “J’apprends Ă  lire Ă  mon bĂ©bé” Glenn Doman Ă©ditĂ© chez Retz     
         A lire impĂ©rativement avant de commencer. On peut complĂ©ter par la K7 vidĂ©o en anglais, How To Teach Your Baby To Read, qui montre, entre autres choses, des mamans Ă  l’œuvre, ce qui peut ĂŞtre d’une aide prĂ©cieuse.
  • “Enfants, le droit au gĂ©nie” Glenn Doman chez Hommes Groupes 
           On y retrouve en rĂ©sumĂ© la lecture, les maths et les savoir encyclopĂ©dique (qu'on peut utiliser pour la         lecture).
  • “Apprenez les maths Ă  votre bĂ©bé” Glenn Doman aux Ă©ditons IFAC       
         Surtout ne pas commencer les maths sans avoir lu ce livre ou, Ă  dĂ©faut, Enfants le droit au gĂ©nie ou, encore mieux, la version anglaise How To Teach Your Baby Math qui est plus complète. L’idĂ©al, c’est le livre en anglais et la K7 vidĂ©o, Ă©galement en anglais, qui permet de visualiser la façon de s’y prendre.
  • “Que faire pour votre enfant lĂ©sĂ© cĂ©rĂ©bral” Glenn Doman Ă©ditĂ© chez DesclĂ©e de Brouwer
         Il est en effet important de rappeler que le premier institut Ă  avoir Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  Philadelphie est l’Institut pour les enfants lĂ©sĂ©s cĂ©rĂ©braux. Car ce sont les dĂ©couvertes faites auprès d’enfants atteints de lĂ©sions cĂ©rĂ©brales qui ont conduit l’équipe de Glenn Doman Ă  s’occuper des enfants bien portants
  • Association parents enfants lĂ©sĂ©s cĂ©rĂ©braux

    Ceux qui souhaitent obtenir des renseignements sur ce que  proposent les Instituts aux parents d'enfants lĂ©sĂ©s cĂ©rĂ©braux peuvent contacter  l'association Neuf de Coeur, crĂ©Ă©e par Jean-Pierre Papin, lui-mĂŞme père d'une enfant lĂ©sĂ© cĂ©rĂ©brale, et qui souhaite aider d'autres familles Ă   bĂ©nĂ©ficier des rĂ©sultats fabuleux obtenus avec sa fille grâce aux mĂ©thodes des Instituts :

    Association Française de parents pratiquant la méthode Doman

    Neuf de Coeur BP 9 33310 Lormont Tel : 05 57 80 99 68 Fax : 05 56 40 50 05 e.mail : 9decoeur@quaternet.fr

    Liens

  • http://www.iahp.org/french/overview_institutes.html#goals
         Une page du site anglais de Philadelphie traduite en français
  • http://web.wanadoo.be/zone/URL_doman.html
         Beaucoup de choses, plus ou moins liĂ©es Ă  l’apprentissage prĂ©coce de la lecture, donc de Doman entre autres
  • http://jeanine.cougnenc.free.fr/Cougnenc_Doman.htm  Jeanine Cougnenc s’inspire de Doman pour proposer une mĂ©thode globale Ă  partir de la petite section de maternelle
  • Associations (en lien avec la mĂ©thode Doman)

  • Bureau français des instituts pour le dĂ©veloppement du potentiel humain
        
    french_office@iahp.org 33 1 43 87 19 97
  • Association Neuf de CĹ“ur www.9decoeur.org crĂ©Ă©e par Jean-Pierre Papin
  • http://www.association-charlotte.org/index.php?rub=linkannu&page=1
         propose des liens avec d’autres associations aidant des enfants lĂ©sĂ©s cĂ©rĂ©braux
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    PMEV : Pédagogie de maîtrise à effet vicariant

    Il s’agit pour l’élève de progresser par lui-même et avec l’aider de ses pairs, s’il n’y arrive pas tout seul. C’est une pédagogie qui a l’intérêt de se mettre en place avec les outils traditionnels de l’école. Il s’agit d’organiser autrement la méthode de travail.

    Donner à l’enfant les objectifs à atteindre, résoudre un problème, faire une dictée sans faute, apprendre l’orthographe de certains mots, etc.

    Lui fixer un temps pour la réalisation de cet objectif

    Faire le point avec lui et les autres élèves plusieurs fois avant la fin du délai imposé.

    Demander à ceux qui ont réussi d’expliquer aux autres comment il s’y s’ont pris.

    Chacun peut ainsi profiter de l’expérience de l’autre, enrichissant l’autre, lui-même et le médiateur, rendant visible le travail de recherche, d’apprentissage.

    Lien vers un site très complet sur la PMEV

    En faisant le tour de ce site on pourra constater certaines similitudes avec la pédagogie Freinet, elle s’en distingue tout de même.

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    Fransya

    Les méthodes d’aprentissage de la lecture
    Le mot n’est pas une image
    Les étapes de la compréhension de l’écrit
    Le temps phonologique
    Le temps sémantique
    Complémentarité des deux modules du cerveau
    Adaptation du cerveau aux différentes pédagogies de lecture
    Liens

    Lecture :
    Le cerveau, cet inconnu des pédagogues

     Dr Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR
    gh.wettstein.badour@libertysurf.fr

     14 Janvier 2004

     

    Lorsque l’auteur de ces lignes a dĂ©butĂ©, il y plus de  trente ans, son activitĂ© auprès d’enfants en difficultĂ© d’apprentissage de l’écrit, elle pensait, comme tant d’autres, que les perturbations d’origine socio-affectives Ă©taient la cause principale de l’incapacitĂ© des Ă©lèves Ă  apprendre Ă  lire et Ă©crire. Puis, peu Ă  peu, une rĂ©alitĂ© tout autre se fit jour. Ces Ă©lèves ne prĂ©sentaient, dans leur très grande majoritĂ©, aucun trouble psycho-affectif susceptible d’expliquer leur Ă©chec. Ils Ă©taient scolarisĂ©s rĂ©gulièrement et vivaient dans des familles qui leur apportaient aide et soutien, comme le montrait la dĂ©marche des parents qui les accompagnaient. L’étude systĂ©matique de leurs aptitudes intellectuelles donnait une reprĂ©sentation statistique sans particularitĂ©s. Ces jeunes se trouvaient donc dans des conditions propices Ă  la rĂ©ussite. Ils subissaient pourtant tous un Ă©chec grave. C’est alors qu’une intuition se fit jour : les pĂ©dagogies utilisĂ©es pour apprendre Ă  lire Ă  ces enfants pouvaient-elles avoir une responsabilitĂ© dans leurs difficultĂ©s ? Mais comment infirmer ou confirmer cette hypothèse ? Seuls des arguments basĂ©s sur des travaux rĂ©pondant aux exigences de rigueur attendues de la recherche scientifique pouvaient permettre d’atteindre cet objectif. Nous en rĂ©sumerons ici les principaux Ă©lĂ©ments. 

    L’homme apprenant Ă  lire avec son cerveau, c’est dans celui-ci que doit se trouver la rĂ©ponse Ă  notre interrogation.  Si nous parvenons Ă  comprendre quels sont les mĂ©canismes cĂ©rĂ©braux mis en Ĺ“uvre dans la lecture nous saurons si les propositions pĂ©dagogiques utilisĂ©es pour apprendre Ă  lire facilitent ou non cet apprentissage. Très curieusement, les chercheurs en pĂ©dagogie ignorent, pour ne pas dire refusent, une telle dĂ©marche. La prise en compte de l’existence du cerveau n’apparaĂ®t dans aucune de leurs publications. Totalement imprĂ©gnĂ©s de psychosociologie et de linguistique, ils demandent aux « sciences de l’éducation Â» la solution des problèmes qu’ils rencontrent. Or, celles-ci n’ont aucune chance d’y parvenir tant qu’elles se contenteront de bâtir des thĂ©ories sur des hypothèses sans chercher Ă  les valider et tant qu’elles ne prendront pas en compte les rĂ©alitĂ©s organiques qui sont Ă  l’origine des comportements. Elles se trouvent aujourd’hui dans la situation d’un cardiologue qui penserait pouvoir guĂ©rir ses malades en nĂ©gligeant de s’intĂ©resser Ă  leur cĹ“ur et leur prescrirait, pour toute thĂ©rapeutique, d’apprendre Ă  « gĂ©rer leur stress Â». Nous en sommes lĂ  dans la rĂ©flexion pĂ©dagogique en 2004 et l’on est en droit de se demander avec effroi combien de dĂ©cennies seront encore nĂ©cessaires pour y faire admettre le fait que les fonctions cognitives naissent dans le cerveau et dĂ©pendent de lui.  

    La première phase du travail, a consistĂ© Ă  comprendre comment le cerveau procède pour dĂ©couvrir le sens de l’écrit. La quĂŞte d’informations, d’abord peu fructueuse, apporta des Ă©lĂ©ments d’un intĂ©rĂŞt crucial après 1980 quand la neurologie entra dans l’ère des neurosciences. Au fil des annĂ©es, les connaissances s’accumulèrent. Chacune d’entre elles portait sur des points très prĂ©cis du fonctionnement cĂ©rĂ©bral. La difficultĂ©, mais aussi tout l’intĂ©rĂŞt de cette recherche, consista Ă  rassembler les Ă©lĂ©ments qui permettaient d’avancer dans la comprĂ©hension des mĂ©canismes mis en Ĺ“uvre dans la lecture. Une première synthèse aboutit Ă  la publication d’un ouvrage en 1994 (*1). Ce n’était qu’une Ă©tape. L’accĂ©lĂ©ration des dĂ©couvertes conduisit l’auteur Ă  approfondir ses connaissances et Ă  publier en 2000 un nouveau livre (*2) suivi de divers textes pour actualiser l’information apportĂ©e.  

    La confrontation entre le mode de fonctionnement du cerveau et les pĂ©dagogies utilisĂ©es dans l’enseignement montra clairement que les mĂ©thodes globales mais aussi les semi-globales (ou mixtes) qui sont - et vont continuer Ă  ĂŞtre - utilisĂ©es dans la presque totalitĂ© des Ă©coles pour apprendre Ă  lire aux enfants se situent aux antipodes des attentes du cerveau en ce domaine.  

    La compréhension des mécanismes intervenant dans la lecture a mis en évidence un ensemble de contraintes à respecter pour faciliter l’apprentissage de la langue écrite. Un inventaire des méthodes disponibles sur le marché du livre a alors montré que certaines d’entre elles correspondaient partiellement aux impératifs attendus mais qu’aucune ne répondait à l’ensemble du cahier des charges imposé par le cerveau en matière d’apprentissage de l’écrit. Le but étant d’aider les familles des élèves en difficulté, il paraissait donc nécessaire de leur fournir une méthode d’apprentissage de la lecture et de l’écriture comprenant un manuel pédagogique pour l’élève et un ouvrage destiné aux parents afin qu’ils disposent d’un outil efficace et d’usage aisé. (*3). Largement utilisée désormais, cette technique d’apprentissage permet aux élèves qui ne parvenaient pas à lire avec les méthodes actuelles d’accéder à la maîtrise de la langue écrite. Appliquant les principes issus de la théorie, elle apporte la preuve concrète de l’influence des pédagogies sur la qualité des apprentissages.

     

    Les méthodes d’apprentissage de la lecture

    Avant d’aborder les Ă©lĂ©ments qu’il faut connaĂ®tre pour faciliter l’apprentissage de l’écrit, il est nĂ©cessaire de prĂ©ciser quelques points essentiels concernant l’évolution des pĂ©dagogies de la lecture depuis cinquante ans. 

    Depuis des siècles et très probablement depuis plus de deux millĂ©naires, les enfants apprenaient Ă  lire grâce Ă  des dĂ©marches alphabĂ©tiques dont la caractĂ©ristique est de fournir Ă  l’apprenti lecteur la connaissance du lien qui unit la lettre avec le son qu’elle reprĂ©sente puis de combiner ces lettres ensemble pour former des mots.  

    Vers 1960 de nouvelles pĂ©dagogies de la lecture dont les prĂ©mices avaient vu le jour au milieu du 18ème siècle et Ă©taient tombĂ©s dans l’oubli, sont apparues en France oĂą elles se sont gĂ©nĂ©ralisĂ©es vers 1970. Les pĂ©dagogues, s’appuyant sur les hypothèses de la thĂ©orie de la forme (Gestalttheorie), de la psychanalyse et de la psychosociologie, ont introduit dans l’enseignement des modes d’apprentissages diamĂ©tralement opposĂ©s aux pĂ©dagogies alphabĂ©tiques. Leur objectif Ă©tait d’arriver au « sens de la lecture Â» sans passer par le dĂ©codage, accusĂ© d’être source d’incomprĂ©hension du texte. Eveline CHARMEUX, cĂ©lèbre conseillère pĂ©dagogique dont l’influence fut dĂ©terminante dans ces trente dernières annĂ©es, Ă©crivait en 1983 avec une conviction qui surprend d’autant plus qu’elle ne s’appuie sur aucune tentative de preuve : « L’activitĂ© de construction du sens Ă©tant une activitĂ© de raisonnement, activitĂ© intelligente dans laquelle il n’y a pas de mĂ©canisme, le dĂ©chiffrage n’existe pas. Il n’y a jamais eu de dĂ©chiffrage dans la lecture ; personne n’a jamais construit du sens en dĂ©chiffrant. La mise en place d’un mĂ©canisme de dĂ©chiffrage et d’oralisation dresse des obstacles sur la route des enfants qui apprennent Ă  lire. Â» (Pourquoi et comment construire une pĂ©dagogie efficace de la lecture ? Extraits de confĂ©rence. CDDP. DrĂ´me). 

    Les mĂ©thodes globales proposent d’emblĂ©e des textes dans le but de faire dĂ©couvrir aux Ă©lèves le sens des mots par dĂ©duction Ă  partir de ce qu’ils entendent. Le mot est considĂ©rĂ© comme image qui doit ĂŞtre mĂ©morisĂ©e dans son ensemble avec sa signification et sera ensuite « reconnu Â» quand il sera Ă  nouveau rencontrĂ©.  

    D’abord exclusivement globales, ces pĂ©dagogies ont subi une Ă©volution vers des formes dĂ©rivĂ©es appelĂ©es pendant une trentaine d’annĂ©es mĂ©thodes « semi-globales Â». Le terme « global Â» qui a dĂ©sormais une connotation très nĂ©gative auprès des parents est maintenant banni du discours et remplacĂ© par celui de mĂ©thodes « mixtes Â» ou « naturelles Â». Les nombreuses dĂ©clarations mĂ©diatiques que l’intĂ©rĂŞt pour la lutte contre l’illettrisme suscite les prĂ©sentent comme un compromis idĂ©al entre les pĂ©dagogies globales et les mĂ©thodes alphabĂ©tiques, ce qui, nous le verrons ultĂ©rieurement, constitue une dĂ©sinformation majeure. Plus grave encore, la rĂ©fĂ©rence faite au code alphabĂ©tique par les deux derniers Ministres de l’Education nationale dans les diffĂ©rents textes qu’ils ont publiĂ©s (RĂ©forme LANG et ouvrages de M.FERRY) a gĂ©nĂ©rĂ© des commentaires affirmant que le retour aux mĂ©thodes alphabĂ©tiques Ă©tait assurĂ©. Or, il n’en est rien. Toute l’ambiguĂŻtĂ© de ces textes vient du fait qu’ils font apparaĂ®tre les termes « code alphabĂ©tique Â». Nous verrons ultĂ©rieurement que tout apprentissage de la lecture exige, quelle que soit la mĂ©thode utilisĂ©e, d’arriver Ă  la maĂ®trise de ce code. La seule diffĂ©rence entre les pĂ©dagogies concerne la manière dont on parvient Ă  ce rĂ©sultat.  

    Qu’il s’agisse de mĂ©thodes globales ou mixtes l’élève est confrontĂ© Ă  des phrases dès la première page de son livre ou de ses feuillets de lecture. Mais alors que les mĂ©thodes globales ne distinguent aucun mot parmi les autres, les mĂ©thodes mixtes isolent dans les phrases des « mots-outils Â» qui doivent ĂŞtre mĂ©morisĂ©s. Ceux-ci sont Ă©galement proposĂ©s sous forme d’étiquettes que l’enfant doit « reconnaĂ®tre Â» et qu’il manipule pour construire des phrases. La liste des prĂ©noms des Ă©lèves de la classe, les jours de la semaine, les mois, les saisons, et bien d’autres Ă©lĂ©ments font partie de ces « mots-outils Â». Ils sont le plus souvent affichĂ©s sur les murs de la classe, et ce, dès la grande ou mĂŞme parfois la moyenne section de maternelle pour « familiariser l’enfant avec l’écrit Â» et l’inciter Ă  dĂ©couvrir le code alphabĂ©tique de la langue par « la frĂ©quentation rĂ©gulière Â» de ces mots. Dans chaque leçon, l’attention de l’élève est attirĂ©e sur une lettre ou un groupe de lettres correspondant Ă  un son. On pense ainsi permettre Ă  l’apprenti lecteur de parvenir Ă  la « dĂ©couverte du sens Â» en « faisant l’économie du dĂ©codage Â», considĂ©rĂ© comme inutile - voire dangereux - et fastidieux. 

    Une intĂ©ressante citation de Roland Goigoux, MaĂ®tre de ConfĂ©rence Ă  l’IUFM Clermont-Ferrand mĂ©rite d’être mentionnĂ©e :

    « Nous montrons, par exemple, l’intĂ©rĂŞt de prendre appui sur les textes mĂ©morisĂ©s « par cĹ“ur Â» (comptines, titres d’ouvrages, extraits de rĂ©cits, etc.) afin d’étudier l’organisation de la langue Ă©crite. DĂ©barrassĂ©s du souci de comprendre le message Ă©crit, puisque celui-ci est connu, les enfants peuvent se consacrer Ă  l’étude du code Ă©crit. C’est une vĂ©ritable aventure « Ă  la Champollion Â» qu’ils entreprennent lorsqu’ils sont placĂ©s, comme le dĂ©chiffreur des hiĂ©roglyphes, devant un message aux règles internes obscures mais dont la signification est claire. Comme Champollion, ils connaissent la signification du message et cherchent, avec l’aide de la maĂ®tresse et du groupe, Ă  dĂ©duire le fonctionnement du système linguistique Ă©crit. Tout au long de l’annĂ©e, de texte en texte, l’exploration se poursuit, instituant la classe comme une communautĂ© de chercheurs. C’est ainsi que les enfants conservent des phases initiales de l’apprentissage une idĂ©e de conquĂŞte, d’appropriation de secrets, qui conforte leur confiance en eux-mĂŞmes et qui crĂ©e, dès le dĂ©but, une connivence avec le langage Ă©crit.» (Cahiers pĂ©dagogiques, n° 352 mars 1997 ; texte donnĂ© au Concours des IUFM en 2002). 

    On ne peut s’empĂŞcher de penser que si Champollion a dĂ©couvert la signification de l’écriture Ă©gyptienne c’est qu’il disposait d’acquis culturels et de connaissances dans le domaine des langues anciennes qui lui ont permis de se livrer Ă  un travail d’analyse et de synthèse que nos jeunes tĂŞtes blondes ou brunes de CP ne nous semblent pas ĂŞtre vraiment en mesure de mener Ă  bien et l’on ne peut s’empĂŞcher de craindre que la « communautĂ© de chercheurs Â» espĂ©rĂ©e se transforme en une assemblĂ©e  d’exclus pour laquelle le monde de l’écrit reste une Ă©nigme indĂ©chiffrable !  

    Il n’est pas inutile de savoir que M.GOIGOUX est un membre Ă©minent de la recherche pĂ©dagogique actuelle. Il a fait partie des experts que la très rĂ©cente confĂ©rence de consensus sur l’enseignement de la lecture Ă  l’école primaire, les 4 et 5 dĂ©cembre 2003, n’a pas manquĂ© de convier Ă  ses travaux.  

    Jusqu’à ces vingt dernières annĂ©es, il n’existait guère d’arguments pour rĂ©futer de tels propos, hormis le simple bon sens. Mais qu’un responsable pĂ©dagogique puisse aujourd’hui tenir ce discours paraĂ®t tout aussi sĂ©rieux que d’affirmer, comme le faisaient les Shadocks, que la terre est plate !  

    Sans vouloir rentrer dans le dĂ©tail des processus qui participent Ă  l’élaboration de la comprĂ©hension du langage Ă©crit nous nous contenterons de signaler ici les points essentiels que tout enseignant devrait avoir en mĂ©moire avant de choisir une pĂ©dagogie de l’écrit. 

     

    Le mot n’est pas une image.

    Le dessin Ă©tant la première traduction graphique que l’Homme sut faire de son environnement il paraissait logique de considĂ©rer les mots comme des images. Cette hypothèse pouvait paraĂ®tre pertinente Ă  une Ă©poque ou la rĂ©flexion concernant la langue Ă©tait du seul ressort de la philosophie. Elle s’avère pourtant ĂŞtre totalement fausse.  

    Depuis les travaux de R.W.SPERRY, Prix Nobel de mĂ©decine en 1981, nous savons qu’il existe deux formes de graphisme bien diffĂ©rentes l’une de l’autre Ă  la fois par leur nature et par leur mode de traitement.  

    Ce chercheur a permis de diffĂ©rencier deux variĂ©tĂ©s distinctes de signes graphiques. Ceux qui traduisent par Ă©crit des sons, tels les mots, les idĂ©ogrammes, les notations musicales sont, comme le langage oral, traitĂ©s par l’hĂ©misphère gauche par une succession d’opĂ©rations d’analyse et de synthèse. Par contre, les graphismes qui reprĂ©sentent de manière plus ou moins concrète ou symbolique une rĂ©alitĂ© ou un concept issu de l’environnement sont des images prises en charge par  l’hĂ©misphère droit qui travaille de manière analogique en comparant des ensembles de formes Ă  identifier avec ceux dont il dispose en mĂ©moire. Ces travaux ont une importance capitale dans la comprĂ©hension des mĂ©canismes de la lecture en montrant que les mots ne peuvent, en aucun cas, ĂŞtre assimilĂ©s Ă  des images.  

    De nombreuses Ă©tudes ont confirmĂ© cette diffĂ©renciation d’importance fondamentale entre signes graphiques et images. Quelle que soit la nature des langues Ă©crites, cette rĂ©alitĂ© neurologique est identique. Les idĂ©ogrammes, pas plus que les mots des langues alphabĂ©tiques, ne sont des images. Comme tous les signes du langage Ă©crit, ils sont traitĂ©s par l’hĂ©misphère gauche qui utilise pour en dĂ©couvrir la signification les mĂŞmes techniques que celles qu’il met en Ĺ“uvre dans les autres types d’écriture. Nous ne nous attarderons pas ici sur la comprĂ©hension de cette forme d’expression si diffĂ©rente de la nĂ´tre. Mais nous citerons des travaux dont l’intĂ©rĂŞt essentiel est de confirmer la diffĂ©renciation opĂ©rĂ©e par le cerveau entre les mots et les images.  

    Des chercheurs japonais ont observĂ© les consĂ©quences de lĂ©sions cĂ©rĂ©brales chez des patients qui lisaient correctement deux langues, l’une de nature alphabĂ©tique, le Kana, l’autre de nature idĂ©ogrammique, le Kanji. Les conclusions de leurs Ă©tudes sont hautement instructives. Elles montrent que les lĂ©sions de l’hĂ©misphère droit n’altèrent ni la lecture du Kana ni celle du Kanji. Par contre, les sujets atteints de lĂ©sions des aires du langage de l’hĂ©misphère gauche sont incapables de lire le Kana ainsi que la plupart des signes Kanji. Par contre, ils reconnaissent bien les images qu’ils sont capables de trier et d’identifier. Il leur est Ă©galement possible de reconnaĂ®tre quelques signes graphiques très simples lorsque ceux-ci s’apparentent par la forme aux mots qu’ils reprĂ©sentent. En Kanji, le graphisme signifiant « arbre Â» est symbolisĂ© par une forme qui reprĂ©sente un arbre stylisĂ©. Cette reprĂ©sentation graphique n’est pas considĂ©rĂ©e par le cerveau comme un signe linguistique mais comme un pictogramme c’est Ă  dire le dessin de l’objet auquel il correspond. C’est une image reconnue et donc traitĂ©e comme telle par l’hĂ©misphère droit. Par contre, le mot « forĂŞt Â» symbolisĂ© graphiquement par trois pictogrammes figurant l’arbre est « lu Â» par l’hĂ©misphère droit « arbre, arbre, arbre Â». Le patient qui reconnaĂ®t l’image de l’arbre ne peut pas passer au stade de la comprĂ©hension du concept « forĂŞt Â» qui correspond Ă  une vĂ©ritable activitĂ© de lecture que seul son hĂ©misphère gauche peut rĂ©aliser. Ces travaux font clairement apparaĂ®tre la diffĂ©rence fondamentale qui existe entre les mots et les images et apportent la preuve de l’incapacitĂ© de l’hĂ©misphère droit Ă  accĂ©der Ă  la lecture. 

    Plus rĂ©cemment les Ă©tudes effectuĂ©es grâce Ă  l’imagerie par rĂ©sonnance magnĂ©tique fonctionnelle (IRM.f) ou par  tomographie par Ă©mission de positrons (PET) confirment ces donnĂ©es. La lecture de mots et de phrases dĂ©veloppe une activitĂ© neuronale d’une très grande intensitĂ© dans l’hĂ©misphère gauche. L’hĂ©misphère droit est peu stimulĂ©, aussi bien chez le dĂ©butant que chez le lecteur averti. L’entraĂ®nement ne modifie pas la nature des mĂ©canismes de la lecture qui reste analytique quel qu’en soit le stade d’automatisation. Si la lecture acquise devenait globale, comme certains n’hĂ©sitent pas Ă  l’affirmer, on retrouverait chez le lecteur entraĂ®nĂ© une forte stimulation de l’hĂ©misphère droit, ce qui n’est jamais le cas. Une consĂ©quence visible de l’entraĂ®nement sur le cortex est de diminuer la surface des aires utilisĂ©es pour rĂ©aliser la tâche demandĂ©e. La rĂ©pĂ©tition d’une tâche permet au cerveau de sĂ©lectionner les neurones les plus performants pour accomplir le travail Ă  exĂ©cuter mais ne change en rien la nature des opĂ©rations qu’il accomplit pour parvenir au rĂ©sultat.  

    Il nous faut désormais tenter de comprendre comment le cerveau parvient à maîtriser l’écrit, à en comprendre sa signification et à le reproduire.

     

    Les étapes de la compréhension de l’écrit.

    La difficultĂ© d’abord de cette question vient du fait que le caractère linĂ©aire du langage oral et Ă©crit impose la mĂŞme structure Ă  l’expression de la pensĂ©e. Or, les mĂ©canismes que nous devons exposer sont gĂ©nĂ©rĂ©s par des systèmes bouclĂ©s et totalement interconnectĂ©s dans une logique Ă  la fois cybernĂ©tique et connectiviste qui lie chacun d’entre eux aux autres de manière indissoluble. Pour comprendre ce qu’est rĂ©ellement la lecture, il faut avoir en permanence prĂ©sent Ă  l’esprit le fait que tous les neurones, quel que soit leur degrĂ© de spĂ©cialisation, travaillent ensemble et que chacun d’entre eux communique aux autres l’information qu’il a traitĂ©e. Cette remarque prise en compte, on peut identifier dans le processus de lecture deux temps qui interviennent de manière synchrone et complĂ©mentaire :  

     - le temps phonologique exĂ©cutĂ© par le module phonologique du cerveau aboutit Ă  la mise en concordance des unitĂ©s sonores Ă©lĂ©mentaires de la langue, les phonèmes, avec les unitĂ©s graphiques Ă©lĂ©mentaires qui leur correspondent, les graphèmes ;  

    -  le temps sĂ©mantique, rĂ©alisĂ© par le module supĂ©rieur du cerveau, permet la dĂ©couverte de la signification de ces assemblages intĂ©grĂ©s dans des ensembles graphiques de plus en plus importants : les mots, les phrases et les textes.

                   

    Le temps phonologique de la lecture.

    La nĂ©cessitĂ© de rĂ©unir les Ă©lĂ©ments sonores Ă©lĂ©mentaires de la langue orale avec les signes graphiques qui les reprĂ©sentent nĂ©cessite de savoir reconnaĂ®tre les sons qui composent la chaĂ®ne du langage oral ainsi que les signes qui constituent la chaĂ®ne graphique.  

    La segmentation de la langue orale en unités élémentaires

    est  le temps de la lecture qui a donnĂ© lieu au plus grand nombre de travaux. D’abord issue des Ă©tudes faites sur la pathologie du langage, la connaissance en ce domaine a beaucoup progressĂ© grâce aux procĂ©dĂ©s actuels d’exploration cĂ©rĂ©brale.  

    Dans toutes les langues, l’écrit a pour but de reprĂ©senter les constituants sonores de l’expression orale par des formes graphiques. Notre propos Ă©tant centrĂ© sur l’apprentissage du langage Ă©crit nous ne mentionnerons au sujet de l’oral que les points essentiels Ă  la comprĂ©hension de l'Ă©crit. 

    Le langage oral est constituĂ© d’une succession de sons Ă©mis les uns après les autres. Ils atteignent l’oreille interne au rythme de leur Ă©mission. La langue Ă©crite dispose de la mĂŞme linĂ©aritĂ© dans le temps Ă  laquelle s’ajoute une dimension spatiale liĂ©e au dĂ©roulement du graphisme sur son support. Il existe entre ces deux types d’expression une concordance qui va se retrouver dans la fonction organique qui les unit.  

    Le lien entre les sons et les signes est une constante inhĂ©rente Ă  la nature mĂŞme de l’expression linguistique Ă©crite mais le niveau auquel s’établit ce lien n’est pas identique dans tous les types de langage. Nous nous limiterons ici Ă  l’étude des langues phonogrammiques alphabĂ©tiques auquel le français appartient.  

    Dans ces modes d’expression, l’analyse sonore des Ă©lĂ©ments constitutifs de la langue est poussĂ©e Ă  son stade ultime. La syllabe correspond aux sons qui peuvent ĂŞtre exprimĂ©s en une seule Ă©mission vocale. Mais une analyse fine de ces syllabes  montre que beaucoup d’entre elles sont constituĂ©es de plusieurs unitĂ©s sonores : les phonèmes. Par exemple le mot « chat Â» est composĂ© d’une syllabe mais de deux phonèmes ( ch+a ), le mot « lapin Â» de deux syllabes et de quatre phonèmes ( l+a+p+in ). L’écriture reprĂ©sentant chaque phonème par un signe, le graphème, l’analyse phonologique doit permettre d’isoler tous les phonèmes constitutifs de la langue. En combinant entre eux les graphèmes qui les reprĂ©sentent, il devient alors possible d’écrire tous les mots du registre vocal. Cette conception de l’écrit a l’avantage d’allĂ©ger considĂ©rablement le travail de mĂ©morisation en le cantonnant Ă  l’apprentissage d’un nombre limitĂ© de graphèmes. Par contre, elle nĂ©cessite de maĂ®triser les lois de la combinaison des graphèmes entre eux et celles de l’orthographe que gĂ©nère inĂ©vitablement ce type de langage Ă©crit.  

    Le nombre de phonèmes varie largement suivant les langues. Il existe souvent plusieurs combinaisons graphiques pour transcrire le mĂŞme phonème. Ainsi l’anglais comporte 1120 graphèmes pour 41 phonèmes. Le français est constituĂ© de 35 phonèmes transcrits par 190 graphèmes. Par contre, l’italien et l’espagnol ont pratiquement autant de phonèmes que de graphèmes. Plus l’écart entre le nombre de phonèmes et de graphèmes est grand, plus l’apprentissage des correspondances entre sons et graphismes est complexe. Ce n’est pas un hasard si la dyslexie touche majoritairement les pays anglophones et francophones alors qu’elle se rĂ©duit en gĂ©nĂ©ral Ă  une simple lenteur de la lecture dans les pays parlant italien ou espagnol.   

    Tous les spĂ©cialistes des neurosciences s’accordent pour prĂ©senter le dĂ©coupage phonologique comme un des temps essentiels de la lecture et tout spĂ©cialement de son apprentissage. 

    Cette aptitude très particulière Ă  discriminer les sons, innĂ©e chez l’homme, est inscrite dans son code gĂ©nĂ©tique. Elle est particulièrement adaptĂ©e Ă  la structure linĂ©aire du langage. Elle se manifeste dès la naissance. L’enfant parvient très vite, et mĂŞme très probablement dès les premiers jours de sa vie, Ă  discriminer les  voyelles. Puis il reconnaĂ®t peu Ă  peu les syllabes les plus frĂ©quemment utilisĂ©es autour de lui. La progression du langage oral reflète cette capacitĂ© universelle du cerveau qui va peu Ă  peu mettre en place ses connexions neuronales en fonction des stimulations reçues de l’environnement. Au fur et Ă  mesure oĂą il identifie les sons dans le chaos sonore qui l’entoure, l’enfant les reproduit, leur attribue une signification et les mĂ©morise. Mais Ă  cĂ´tĂ© de ce lexique des mots, se construit Ă©galement un lexique des phonèmes qui les composent.  

    Les capacitĂ©s d’adaptation Ă  la discrimination phonologique, maximales dans les trois premières annĂ©es de la vie, diminuent ensuite assez rapidement. De nombreux travaux montrent que la capacitĂ© de segmentation de la chaĂ®ne sonore vers l’âge de cinq ans est le meilleur Ă©lĂ©ment prĂ©dictif des aptitudes en lecture d’un enfant et que ce facteur est indĂ©pendant des conditions de vie socio-Ă©conomiques. D’autres Ă©tudes, exĂ©cutĂ©es avec des sujets qui n’ont pas pu apprendre Ă  lire et Ă©crire montrent que ceux-ci ont de grandes difficultĂ©s pour isoler les phonèmes dans les syllabes entendues. Cette particularitĂ© se retrouve Ă©galement chez les illettrĂ©s. Une des grandes caractĂ©ristiques des dyslexiques rĂ©side dans le fait qu’il leur faut souvent dix fois plus de temps que les autres sujets pour parvenir Ă  discriminer les sons les uns des autres et Ă  les identifier. Beaucoup d’enfants, sans ĂŞtre de grands dyslexiques, prĂ©sentent cependant plus de difficultĂ©s que d’autres pour segmenter la chaĂ®ne sonore. On considère que 30% des enfants de six ans n’ont pas acquis la conscience des phonèmes. Il est possible de les aider Ă  corriger cette carence mais il faut savoir qu’à cet âge ils ne parviendront plus seuls Ă  rĂ©sorber ce dĂ©ficit. Cette rĂ©alitĂ© doit ĂŞtre prise en compte dans la pĂ©dagogie de la lecture : celle-ci doit impĂ©rativement inclure des techniques d’apprentissage susceptibles de permettre aux  enfants qui prĂ©sentent des difficultĂ©s de discrimination des sons de combler leur handicap.  

    - La segmentation de la chaîne graphique en unités élémentaires de la langue.

    La lecture nĂ©cessitant de relier les unitĂ©s sonores aux graphismes qui les reprĂ©sentent, le deuxième volet du traitement phonologique de l’information porte sur la reconnaissance des graphèmes. Pour y parvenir, il faut Ă  la fois ĂŞtre capable d’identifier leurs formes et de les orienter dans l’espace.  

    La comprĂ©hension des mĂ©canismes essentiels qui conduisent Ă  la reconnaissance des graphèmes nĂ©cessite de rappeler quelques donnĂ©es essentielles de la perception visuelle.  

    La reconnaissance des lettres nĂ©cessite une analyse visuelle fine dont seule est capable la macula. Cette petite surface de 2 mm² environ, situĂ©e au centre de la rĂ©tine et composĂ©e exclusivement de cĂ´nes, est la seule partie de la rĂ©tine qui permet une vision prĂ©cise des dĂ©tails. Elle analyse la forme, la position dans l’espace, la longueur d’onde, les contrastes de chaque point qu’elle explore et transmet au cerveau les rĂ©sultats de son analyse. Contrairement au champ visuel qui couvre toute la portion d’espace qui peut se projeter sur l’ensemble de la rĂ©tine, la surface susceptible de donner une image sur la macula est très petite. Elle peut se dĂ©finir mathĂ©matiquement et dĂ©pend uniquement des caractĂ©ristiques du système optique de l’oeil et de la distance Ă  laquelle est situĂ© l’objet Ă  percevoir.  En ce qui concerne la lecture, le champ maculaire ne peut analyser qu’un très petit nombre de lettres (2 Ă  4 selon les individus et les calligraphies). Aucun entraĂ®nement ni aucune technique pĂ©dagogique ne peut modifier les dimensions de cette surface. La vision fine exigĂ©e par la lecture nĂ©cessite donc un dĂ©placement de l’oeil, nommĂ© saccade oculaire. Le champ Ă  explorer dans la lecture est couvert par la succession des saccades oculaires.  

    La saccade oculaire est le mouvement qui permet de fixer la direction du regard sur la cible Ă  percevoir afin que l’image de celle-ci se projette très exactement sur le centre de la macula. Parfaitement adaptĂ©e Ă  la linĂ©aritĂ© spatiale de l’écrit, elle permet, par le balayage de l’espace qu’elle effectue, d’envoyer les informations visuelles au cerveau de manière sĂ©quentielle.  

    La rĂ©tine pĂ©riphĂ©rique participe Ă©galement Ă  la lecture mais son rĂ´le est très diffĂ©rent de celui de la macula. ConstituĂ©e de cellules, les bâtonnets,  qui n’ont pas les mĂŞmes aptitudes fonctionnelles que les cĂ´nes, elle explore l’espace qui entoure le champ maculaire et transmet des informations sur la situation des signes graphiques, la longueur des mots, les espaces qui les sĂ©parent. C’est elle qui indique au cerveau oĂą doit commencer et finir le travail d’analyse et de synthèse destinĂ© Ă  mener Ă  la comprĂ©hension du sens de chaque mot mais elle n’intervient pas dans le processus d’identification des lettres, pas plus chez le lecteur très performant que chez le dĂ©butant. Il suffit pour s’en convaincre de constater ce qui se produit dans les pathologies oculaires. Dans les dĂ©gĂ©nĂ©rescences maculaires du sujet âgĂ©, par exemple, la vision fine et la lecture deviennent de plus en plus difficiles au fur et Ă  mesure de la destruction des cĂ´nes alors que la possibilitĂ© de percevoir certaines caractĂ©ristiques de l’espace en utilisant le champ visuel pĂ©riphĂ©rique est conservĂ©e.  

    Chaque saccade nĂ©cessite un très grand nombre d’ordres de stimulations et d’inhibition donnĂ©s par les circuits impliquĂ©s dans cet acte moteur d’une extrĂŞme complexitĂ©. 

    Rien ne peut modifier la vitesse avec laquelle l’oeil se dĂ©place pendant la saccade d’un point Ă  un autre. Par contre, la durĂ©e de l’arrĂŞt de l’oeil sur sa cible dĂ©pend de la qualitĂ© de l’information que le cerveau retire de cette pause. Des neurones « pauseurs Â» entrent en action pour prolonger l’immobilisation de l’oeil tant que le cerveau n’a pas extrait une information suffisante de ce qu’il voit. Il peut mĂŞme y avoir un ordre de retour en arrière de l’axe du regard pour tenter un nouvel essai de dĂ©couverte de la signification si les Ă©lĂ©ments observĂ©s ne sont pas identifiĂ©s. L’inhibition du mouvement de l’oeil est levĂ©e dès qu’une comprĂ©hension suffisante est extraite de la pause oculaire. L’oeil peut alors se centrer sur l’objectif suivant.  

    On mesure l’impact de cette connaissance sur la pĂ©dagogie de la lecture : toute technique d’apprentissage qui facilite la comprĂ©hension des Ă©lĂ©ments visuels accĂ©lère le dĂ©blocage de la saccade ultĂ©rieure. La fluiditĂ© et la vitesse de la lecture sont directement liĂ©es Ă  la rapiditĂ© de comprĂ©hension par le cerveau du contenu visuel de chaque pause oculaire.  

    La vision de surfaces très limitĂ©es vues de manière très prĂ©cise par sĂ©quences successives est une rĂ©alitĂ© organique parfaitement adaptĂ©e aux nĂ©cessitĂ©s d’analyse et de synthèse que l’hĂ©misphère gauche impose dans son traitement de l’information. Toute proposition pĂ©dagogique qui ne tient pas compte de ces faits est une aberration. Au risque de dĂ©plaire Ă  beaucoup de pĂ©dagogues qui affirment le contraire, des travaux rĂ©cents ont montrĂ© que les meilleurs lecteurs sont ceux qui lisent « lettre Ă  lettre Â» et utilisent le moins le contexte pour dĂ©couvrir le sens des mots.  

     

    - Union son/graphisme

    Les perceptions visuelles du graphisme vont subir dans l’hĂ©misphère gauche une succession d’opĂ©rations qui ont pour but de combiner les Ă©lĂ©ments analysĂ©s en opĂ©rant de proche en proche jusqu’à ce qu’un assemblage corresponde très exactement avec une forme prĂ©sente dans le lexique des graphèmes qui se construit dans le cerveau au cours de l’apprentissage. La perception des unitĂ©s graphiques acquiert une signification quand elle est identifiĂ©e au souvenir d’un graphème dont la correspondance sonore est connue. Cette prise de « conscience phonologique Â» comme l’appellent les auteurs anglo-saxons est la première Ă©tape qui conduit vers la dĂ©couverte du sens de l’écrit. Pour que cette jonction puisse se rĂ©aliser correctement il faut que les diffĂ©rentes tâches d’identification des formes et des sons soient correctement exĂ©cutĂ©es. Mais il faut Ă©galement que les Ă©lĂ©ments extraits du lexique phonologique et de celui des graphèmes se maintiennent en situation de rappel pendant une durĂ©e supĂ©rieure au temps mis pour identifier l’information en cours de traitement. Plus l’identification des sons et des graphismes est courte, plus les chances de parvenir Ă  reconnaĂ®tre la signification phonologique de ces assemblages sont grandes. On comprend ainsi pourquoi l’entraĂ®nement Ă  la prise de conscience phonologique des Ă©lĂ©ments constitutifs de la langue a une importance fondamentale sur le plan pĂ©dagogique.

     

    Le temps sémantique ou la compréhension du sens

    Au terme de ce passage dans les diverses aires du module phonologique la correspondance entre le son et le graphisme qu’il reprĂ©sente est Ă©tablie pour chaque saccade. Cette information est transmise au module supĂ©rieur du cerveau pour qu’il effectue le travail de dĂ©couverte du sens des ensembles dans lequel ces Ă©lĂ©ments sont intĂ©grĂ©s : les mots, les phrases et les textes.  

    La technique de travail de l’hĂ©misphère gauche indiquĂ©e prĂ©cĂ©demment pour la dĂ©couverte de la conscience phonologique s’applique Ă©galement Ă  la recherche du sens des mots et des ensembles de mots.  

    Le module supĂ©rieur du cerveau traite, lui aussi, les donnĂ©es qui lui parviennent en les rĂ©unissant de proche en proche jusqu’à ce qu’il puisse Ă©tablir une concordance parfaite avec des Ă©lĂ©ments strictement identiques stockĂ©s dans sa mĂ©moire et dont il connaĂ®t le sens. C’est cette concordance qui fournit la clĂ© de la signification.  

    Pour comprendre un mot, le cerveau doit garder en mĂ©moire le souvenir du contenu de toutes les saccades qui le concernent pendant un temps suffisant pour rendre possible les essais de combinaisons des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments entre eux. Le mot est compris quand l’ensemble des signes graphiques qui le composent correspond Ă  un mot de la langue orale dont le sens est connu. L’écrit est compris par comparaison avec l’oral. C’est ce qu’on appelle la voie phonologique ou indirecte de la lecture, puisqu’elle nĂ©cessite le passage par un intermĂ©diaire oral. Lorsque le dĂ©cryptage d’une ou plusieurs saccades est trop lent, le souvenir des Ă©lĂ©ments lus lors de la saccade prĂ©cĂ©dente risque d’être effacĂ©. L’intĂ©gration de certaines parties de mots dans des ensembles plus importants ne peut plus se faire. La lecture n’est alors qu’un dĂ©chiffrage laborieux de signes graphiques qui n’évoquent aucune signification au lecteur. On comprend, lĂ  encore, l’importance de la rapiditĂ© du travail d’identification au niveau phonologique. Plus celui-ci est rapide plus les chances de maintien en mĂ©moire des Ă©lĂ©ments identifiĂ©s durant un temps suffisant sont grandes. La possibilitĂ© d’intĂ©gration des donnĂ©es dans des ensembles sĂ©mantiques importants dĂ©pend ainsi directement de la qualitĂ© de traitement des informations que le module phonologique transmet au module supĂ©rieur.  

    Nous avons signalĂ© ci-dessus le fait que la comprĂ©hension du sens se fait par rĂ©fĂ©rence Ă  l’oral. Ceci signifie qu’un mot ne peut ĂŞtre compris que s’il appartient au stock de vocabulaire mĂ©morisĂ© par le lecteur. Le stockage dans le cerveau des mots du langage oral et de leur signification se fait suivant une logique destinĂ©e Ă  en faciliter la comprĂ©hension. Ils sont triĂ©s et stockĂ©s par catĂ©gories lexicales ou sĂ©mantiques, par exemple, mots de la mĂŞme famille, mots concrets, mots abstraits. Il existe Ă©galement une mise en mĂ©moire par catĂ©gories grammaticales : verbes, noms communs, noms propres, sujets, pronoms, adjectifs, adverbes, etc. La grammaire n’est pas une crĂ©ation d’érudits qui auraient voulu standardiser la langue dans un souci de rationalisme parfaitement arbitraire. La grammaire est une rĂ©alitĂ© indissociable de la nature mĂŞme de la langue. Elle rĂ©pond aux modes de classement des donnĂ©es dans la mĂ©moire cĂ©rĂ©brale. Tous ceux qui ont Ă©laborĂ© des concepts plus ou moins abstraits pour expliquer le rĂ´le des mots dans les phrases n’ont fait qu’expliciter ce que le cerveau rĂ©alise chaque jour pour parler. Les Ă©tapes de l’acquisition du langage oral et de la mise en mĂ©moire de ses fonctions grammaticales part, lĂ  encore, du plus simple pour aller vers le plus complexe. Après les quelques syllabes rĂ©pĂ©tĂ©es qui constituent ses premières expressions orales, l’enfant introduit le verbe dans son discours. Ce mot qui exprime une volontĂ©, une action ou un Ă©tat, se situe au cĹ“ur du langage qui va se construire autour de lui. L’enfant identifie peu Ă  peu des mots que son cerveau apprend Ă  classer par fonctions : ceux qui dĂ©signent la personne qui fait l’action, ceux qui complètent le sens du verbe, ceux qui relient deux parties de phrases, etc. Au fil du temps la prise de conscience de la langue orale affine les classifications qui incluent des ensembles grammaticaux plus Ă©laborĂ©s.  

    Les fonctions grammaticales des mots sont souvent traduites graphiquement dans les langues alphabĂ©tiques par les marques de l’orthographe qui permettent d’expliciter par Ă©crit le rĂ´le de chaque mot dans la phrase. Pour parvenir Ă  la comprĂ©hension du sens il faut intĂ©grer ces Ă©lĂ©ments dans les procĂ©dures d’analyse et très souvent opĂ©rer un choix entre plusieurs possibilitĂ©s. Par exemple, il faut dĂ©finir si les lettres finales de certains mots font partie intĂ©grante de ce mot ou sont l’expression du genre, du nombre ou de la nature grammaticale de celui-ci. La difficultĂ© est maximale lorsque deux mots strictement identiques sur le plan graphique correspondent Ă  des significations diffĂ©rentes. Prenons le cĂ©lèbre exemple :  « les poules du couvent couvent Â». Les Ă©quivalences sons/graphismes fournissent ici plusieurs solutions entre lesquelles il va falloir choisir pour dĂ©couvrir la signification de cet ensemble de mots. Dans un cas comme celui-ci, le correcteur d’orthographe des ordinateurs souligne le deuxième terme qu’il prend pour une rĂ©pĂ©tition. Il est en effet capable de comparer des formes graphiques et de repĂ©rer leur similitude mais il ne peut effectuer le travail de dĂ©duction du sens par identification de la valeur grammaticale des mots, tâche que le cerveau est, quant Ă  lui, capable de rĂ©aliser. Pour comprendre cette phrase, il passe en revue toutes les solutions possibles correspondant au « ent Â» final jusqu’à ce qu’il dĂ©couvre une combinaison qui donne un sens Ă  la phrase. Elle sera comprise quand il aura pris conscience du fait que le premier mot est un nom terminĂ© par le son « en Â» suivi d’un « t Â» muet et que le second est un verbe dont le « ent Â» final est une de ses formes conjuguĂ©es liĂ©e Ă  la prĂ©sence d’un sujet pluriel. Pour lire cet ensemble de mots il faut disposer de deux types de connaissances : celle de la fonction grammaticale des mots et celle de la signification des mots « couvent Â» et « couver Â». Si ces conditions ne sont pas rĂ©unies toute comprĂ©hension est impossible.  

    Si l’on peut aujourd’hui mettre en Ă©vidence, l’existence d’aires corticales spĂ©cialisĂ©es dans le stockage des mots de la langue orale en fonction de leur sens il n’en est pas de mĂŞme pour l’écrit. La plupart des chercheurs pensent qu’il n’existe pas d’aires de la grammaire permettant de stocker les mots sous chacune de leur forme grammaticale. La complexitĂ© du traitement grammatical des mots conduit Ă  Ă©voquer, pour parvenir au rĂ©sultat, l’intervention de multiples rĂ©seaux associatifs interconnectĂ©s reliant entre elles toutes les aires cĂ©rĂ©brales concernĂ©es par le langage oral et Ă©crit. Ce modèle de structure semble ĂŞtre le seul Ă  pouvoir utiliser et traiter une telle somme d’informations en donnant Ă  tous les neurones la possibilitĂ© de puiser dans l’ensemble de ce rĂ©seau les donnĂ©es nĂ©cessaires aux multiples arbitrages qu’ils doivent rendre pour aboutir au rĂ©sultat.  

    Les constituants du module supĂ©rieur sont très majoritairement localisĂ©s dans l’hĂ©misphère gauche quoique moins regroupĂ©s que ceux  du module phonologique. On a Ă©galement mis en Ă©vidence des formations appartenant au module supĂ©rieur assez  dissĂ©minĂ©es dans l’hĂ©misphère droit, en particulier dans le lobe frontal. Il s’agit surtout de groupes de neurones  qui interviennent dans le rappel des souvenirs ainsi que de structures permettant la perception de certaines caractĂ©ristiques de la phrase : rythme, musicalitĂ©, intĂ©gration du discours dans le contexte. L’hĂ©misphère droit approfondit la connaissance du mot et apporte Ă  la logique rigoureuse de l’hĂ©misphère gauche la dimension crĂ©atrice de l’intuition et la mise en perspective de l’expĂ©rience vĂ©cue. Mais il faut cependant rappeler que des lĂ©sions Ă©tendues de l’hĂ©misphère droit ne perturbent pas la lecture ni dans sa fluiditĂ©, ni dans sa comprĂ©hension, ce qui confirme son rĂ´le très limitĂ© dans la lecture.  

     

    Complémentarité des deux modules du cerveau

     L’étude du temps phonologique et du temps sĂ©mantique de la lecture nous a montrĂ© que le module supĂ©rieur du cerveau travaille Ă  partir des donnĂ©es que lui transmet le module phonologique. Il ne peut parvenir Ă  des rĂ©sultats corrects que s’il reçoit des informations parfaitement traitĂ©es au stade phonologique et s’il dispose en mĂ©moire dans ses diffĂ©rents lexiques de donnĂ©es exactes et facilement exploitables. Toute erreur commise par le module phonologique rend ainsi très difficile, voir mĂŞme impossible, le travail du module supĂ©rieur.  

    Mais la complĂ©mentaritĂ© des deux modules du cerveau ne s’arrĂŞte pas lĂ . Si le module supĂ©rieur est directement dĂ©pendant du module phonologique, ce dernier bĂ©nĂ©ficie Ă©galement de l’aide du module supĂ©rieur. Pendant que le module phonologique adresse des informations au module supĂ©rieur, celui-ci lui envoie, par les multiples interconnexions qui les unissent, des suggestions de solutions susceptibles de l’aider. Au fur et Ă  mesure oĂą le module supĂ©rieur rassemble des informations, surgissent de sa mĂ©moire des souvenirs de mots qui commencent par les Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ  identifiĂ©s. La transmission de ces diffĂ©rentes possibilitĂ©s accĂ©lère le processus de liaison son/graphisme dans le module phonologique en lui permettant de lever des ambiguĂŻtĂ©s. Plus le travail phonologique avance, plus le nombre de solutions envisageables se rĂ©duit pour arriver, dans la très grande majoritĂ© des cas, Ă  une possibilitĂ© unique Ă  la fin de chaque mot. Mais ce phĂ©nomène de facilitation peut aboutir Ă  des solutions erronĂ©es. Nous avons tous constatĂ© que les lecteurs en difficultĂ© commencent souvent Ă  lire correctement un mot et finissent leur lecture par des syllabes diffĂ©rentes de ce qui est Ă©crit. Le module supĂ©rieur du cerveau a suggĂ©rĂ© au module phonologique une solution inadaptĂ©e que ce dernier, en difficultĂ© dans la dĂ©couverte du lien son/graphisme, n’a pas su Ă©vacuer. Pour Ă©viter ce type d’erreurs, le module phonologique doit ĂŞtre en permanence en mesure de censurer les suggestions apportĂ©es par le module supĂ©rieur pour ne retenir que celles qui correspondent parfaitement aux graphèmes auxquels il est confrontĂ©. En cas de difficultĂ© de lecture et de nĂ©cessitĂ© de choix entre diffĂ©rentes options possibles, c’est le module phonologique qui permet de contrĂ´ler l’hypothèse suggĂ©rĂ©e. C’est donc lui qui, en dernier ressort, est le garant de l’exactitude de la lecture. 

    Ce mĂ©canisme de facilitation semble se mettre en place progressivement au cours de l’apprentissage de la lecture et en accompagne l’automatisation. C’est lui qui donne de la rapiditĂ© Ă  la lecture des mots frĂ©quemment rencontrĂ©s pour lesquels les circuits du langage ont Ă©tĂ© frĂ©quemment sollicitĂ©s. Mais ce que nous savons de la manière dont les circuits cĂ©rĂ©braux sont interconnectĂ©s ne semble pas permettre de dissocier le phĂ©nomène de facilitation de l’étape phonologique Ă  laquelle il semble intimement liĂ©.  

    Certains chercheurs se sont cependant demandĂ© si l’automatisation des circuits cĂ©rĂ©braux chez les lecteurs entraĂ®nĂ©s ne pouvait pas aboutir Ă  la mise en place d’une voie directe de la lecture, c’est-Ă -dire d’une comparaison entre les Ă©lĂ©ments analysĂ©s et des mots stockĂ©s sous leur forme Ă©crite dans un lexique qui supprimerait la nĂ©cessitĂ© de leur lien avec leur Ă©quivalence phonologique pour ĂŞtre compris. Cette hypothèse est une piste de travail qu’aucun Ă©lĂ©ment neurologique ne permet actuellement de retenir. La majoritĂ© des chercheurs pensent que cette possibilitĂ©, si elle existe, ne peut se rĂ©duire qu’à des mots très courts, simples, invariables et très souvent rencontrĂ©s mais elle ne paraĂ®t pas envisageable pour les mots qui subissent des altĂ©rations orthographiques. Par contre, il se peut qu’il existe une voie rapide d’accès applicable Ă  la lecture de certains petits mots très usitĂ©s. Celle-ci correspondrait, en fait, Ă  un phĂ©nomène de facilitation consĂ©cutif Ă  la sĂ©lection des circuits les plus performants pour la tâche Ă  accomplir. La rapiditĂ© de traitement de l’information pourrait permettre aux Ă©lĂ©ments analysĂ©s par la rĂ©tine et les aires visuelles de l’hĂ©misphère gauche de s’engager vers la comparaison directe des graphèmes avec une forme graphique mĂ©morisĂ©e sans que la prise de conscience de sa valeur phonologique soit nĂ©cessaire Ă  sa comprĂ©hension. Si cette hypothèse Ă©tait exacte, ce que rien ne dĂ©montre aujourd’hui, elle ne permettrait aucunement de conclure que la lecture de ces mots est globale. Les auteurs qui ont envisagĂ© cette possibilitĂ©, considèrent que si une sĂ©paration entre la voie directe et indirecte de la lecture existe, celle-ci n’interviendrait qu’après analyse des Ă©lĂ©ments graphiques constitutifs du mot. Ceci exclut toute possibilitĂ© de modification de la nature de traitement de l’information. Celle-ci reste analytique comme le dĂ©montre l’absence d’augmentation d’activation de l’hĂ©misphère droit en IRM.f dans la lecture automatisĂ©e. Des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es avec cette technique d’exploration du fonctionnement cĂ©rĂ©bral montrent que lorsque des listes de mots sont proposĂ©es Ă  des lecteurs, la rĂ©pĂ©tition de la tâche rĂ©duit la surface des aires utilisĂ©es pour lire ces mots. Elle facilite le travail et permet au cerveau d’arriver au mĂŞme rĂ©sultat en mobilisant un moins grand nombre de neurones mais les mĂ©canismes mis en Ĺ“uvre pour lire n’activent pas d’autres aires cĂ©rĂ©brales que celles qui sont habituellement concernĂ©es par ce travail. Aucune stimulation supplĂ©mentaire n’apparaĂ®t dans l’hĂ©misphère droit. On reste donc, chez le lecteur entraĂ®nĂ© comme chez le dĂ©butant, dans une procĂ©dure analytique assumĂ©e par l’hĂ©misphère gauche.  

    A l’issue de ce rapide exposé on mesure à quel point les deux temps de la lecture sont liés. On comprend en particulier le rôle central qu’occupe le module phonologique. La découverte du sens du texte est strictement dépendante de la qualité du travail du module phonologique. Aucune lecture n’est possible sans maîtrise du code qui unit les signes graphiques aux sons qu’ils représentent. Ce fait est confirmé par de nombreuses études portant sur la dyslexie. Celles-ci exécutées grâce à l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle, montrent clairement que cette pathologie touche essentiellement le module phonologique du cerveau.

     

    Adaptation du cerveau aux différentes pédagogies de la lecture

    Toute lecture nĂ©cessitant impĂ©rativement la connaissance du code alphabĂ©tique de la langue, le cerveau devra parvenir Ă  le maĂ®triser quelles que soient les mĂ©thodes utilisĂ©es pour l’apprentissage de la lecture. Il s’agit lĂ  d’une rĂ©alitĂ© incontournable liĂ©e Ă  la structure mĂŞme du cerveau.  La seule diffĂ©rence entre les pĂ©dagogies porte sur la manière d’atteindre cet objectif.  

    ceux qui désignent la personne qui fait l’action,

     

    Les méthodes alphabétiques

    partent des Ă©lĂ©ments les plus simples de la langue Ă©crite, les graphèmes, et fournissent Ă  l’élève leur Ă©quivalence sonore. Le cerveau apprend Ă  reconnaĂ®tre les uns et les autres, Ă  mĂ©moriser les liens qui les unissent et Ă  les assembler pour trouver la signification des mots. On lui fournit donc les Ă©lĂ©ments Ă  intĂ©grer dans son lexique des phonèmes et dans celui des graphèmes ainsi que les lois de leur assemblage. Il dispose ainsi des Ă©lĂ©ments dont son module phonologique a besoin pour exĂ©cuter son travail. Les risques d’erreurs dans l’association son/graphisme ne sont pas entièrement abolis mais sont très limitĂ©s. Ces pĂ©dagogies facilitent et accĂ©lèrent le dĂ©clenchement des saccades et optimisent la qualitĂ© des donnĂ©es transmises au module supĂ©rieur.
     

    Les méthodes globales, semi-globales ou mixtes

    D’approche diamĂ©tralement opposĂ©e ces pĂ©dagogies placent l’élève dans la situation d’un sujet contraint d’apprendre Ă  lire sans aide. C’est sans doute la raison pour laquelle elles sont parfois appelĂ©es « mĂ©thodes naturelles Â». 

    Les adeptes de ces mĂ©thodes affirment que les mots Ă©crits sont perçus dans leur ensemble, mis en mĂ©moire sous leur forme graphique et « reconnus Â» lorsqu’ils sont Ă  nouveau rencontrĂ©s. Nous savons qu’il n’en est rien. Le cerveau ne peut les identifier qu’en cherchant dans chacun d’eux des repères graphiques auxquels il pourra rattacher des sons. Le code alphabĂ©tique de la langue ne lui Ă©tant pas fourni, il lui faudra le dĂ©couvrir en comparant les sons entendus avec les formes vues. Il remarquera peu Ă  peu des similitudes qui le mettront sur la voie en faisant apparaĂ®tre des liens entre les phonèmes de sa langue et les signes susceptibles de les reprĂ©senter. 

    Nous prendrons un exemple pour illustrer la manière dont le cerveau procède lorsqu’il est soumis Ă  ces pĂ©dagogies. Supposons que l’on prĂ©sente Ă  l’enfant, une liste de noms d’animaux : « lapin Â», « cheval Â», « vache Â», « chat Â». Il s’agit lĂ  d’une situation particulièrement simple Ă  cĂ´tĂ© de celles auxquelles les Ă©lèves sont confrontĂ©s en classe oĂą ils sont d’emblĂ©e mis en prĂ©sence de phrases entières. Si l’enfant sait bien discriminer les sons, il va remarquer qu’il entend dans chacun de ces mots des sons identiques. Il prend conscience du fait que le son « l Â», facile Ă  identifier, se trouve prĂ©sent dans les deux premiers mots, au dĂ©but pour l’un d’eux, Ă  la fin pour l’autre. Il constate alors qu’il existe un signe graphique identique au dĂ©but et Ă  la fin de chacun de ces mots. Il en dĂ©duit que le « l Â» correspond Ă  ce son. Il met en mĂ©moire cette information. Il remarque Ă©galement que dans chacun de ces mots, il entend un mĂŞme son : le « a Â». Il cherche alors l’existence d’un signe graphique commun Ă  ces quatre termes. Le seul Ă©lĂ©ment prĂ©sent dans chacun de ces mots est le signe « a Â». Il en dĂ©duit que ce signe se prononce « a Â». Dans la liste que nous avons choisie figure une difficultĂ©. : la lecture du son « ch Â». Dans sa recherche le cerveau se trouve confrontĂ© Ă  un problème : dans « cheval Â» et « vache Â» la discrimination sonore isole un son identique. Il existe en effet dans chacun de ces mots des graphismes correspondant Ă  la place de ce son : l’association graphique « che Â». Il paraĂ®t donc logique que ces signes correspondent au son entendu. Pourtant dans le mot « chat Â» nous entendons ce son associĂ© au « a Â» qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© identifiĂ©. La solution de l’énigme viendra quand le cerveau aura compris que le son « ch Â» se rĂ©duit en fait Ă  « ch Â» et non Ă  « che Â». Il reste cependant un problème qui ne peut pas ĂŞtre rĂ©solu Ă  ce stade de l’apprentissage : la prononciation de « ch+a Â» suffit pour donner le son « cha Â». Comment se fait-il qu’il existe Ă  la fin de ce mot un signe qui n’a pas d’équivalent sonore ? Ce type de questions concerne toutes les marques graphiques non prononcĂ©es liĂ©es aux variations grammaticales de la langue. Elles ne trouvent de rĂ©ponses qu’au fil du temps lors de la comprĂ©hension de la structure de la langue et constituent une difficultĂ© majeure quand une pĂ©dagogie s’écarte de la rigueur que l’abord rationnel du langage par l’hĂ©misphère gauche impose Ă  la comprĂ©hension du langage.  

    On mesure facilement la complexitĂ© d’une telle dĂ©marche. Pour parvenir Ă  dĂ©couvrir sans erreurs les liens sons/graphiques l’enfant doit disposer de capacitĂ©s de discrimination des sons, d’identification et d’orientation des formes parfaites. Le risque de confusions est majeur pour les sons phonologiquement proches tels « v/f Â», « s/ss/z Â», « m/n Â», ainsi que pour les signes graphiques symĂ©triques tels « b/d/p/q Â», « n/u Â» donc « on/ou Â», « an/au Â», etc. Les phonèmes reprĂ©sentĂ©s par des assemblages de graphèmes constituent une difficultĂ© majeure. La comprĂ©hension de la lecture, et plus encore de l’écriture, du « c/ce/ci/ç Â», du « g/ge/gi Â»,  du « g et gu Â», du « oin Â» souvent entendu « ou+in Â», reprĂ©sente souvent pour les Ă©lèves confrontĂ©s aux mĂ©thodes globales ou semi-globales un obstacle qu’ils ne peuvent surmonter. Utiliser des pĂ©dagogies qui contraignent l’apprenti lecteur Ă  dĂ©couvrir seul le code alphabĂ©tique de sa langue revient Ă  condamner Ă  l’échec tous ceux qui prĂ©sentent des difficultĂ©s susceptibles de perturber le travail du temps phonologique de la lecture. Beaucoup d’enseignants refusent d’admettre cette rĂ©alitĂ© et prĂ©tendent que le fait d’isoler un graphème dans chaque page du livre de lecture pour le faire reconnaĂ®tre aux Ă©lèves dans les phrases revient Ă  leur proposer un apprentissage du code alphabĂ©tique. C’est ainsi que nombre d’entre eux considèrent que le tristement cĂ©lèbre « Ratus Â» est une mĂ©thode alphabĂ©tique ! Ils oublient l’essentiel : chaque graphème isolĂ© est noyĂ© dans les autres Ă©lĂ©ments graphiques du texte. Mis en prĂ©sence d’une phrase le cerveau  de l’enfant tente immĂ©diatement de dĂ©coder tout ce qu’il peut parvenir Ă  comprendre et va immĂ©diatement tomber sur des situations insolubles. Nous citerons comme exemple des pages destinĂ©es Ă  faire retenir le graphème « a Â» oĂą l’on trouve des mots contenant des  « an Â», « am Â» « ain Â», « ain Â» ou des pages centrĂ©es sur l’apprentissage du « i Â» contenant des mots qui renferment des « in Â», « ain Â», « oin Â», « ion Â». On pourrait malheureusement multiplier les exemples de ce type. De mĂŞme, on comprend mal comment on peut espĂ©rer faire dĂ©couvrir aux enfants des classes maternelles le code alphabĂ©tique de la langue en affichant sur les murs de la classe les chiffres Ă©crits de un Ă  dix, les jours de la semaine, les mois ou, pire encore, les prĂ©noms des Ă©lèves. Trouver les bases de la correspondance sons/graphismes Ă  partir de François, Philippe, Sophie, Baptiste, Guillaume, Gilles, GwĂ©naĂ«l, Jean, Jeanne, Johann, Jonathan, Geoffroi, CĂ©cile, Clotilde, Sandrine, Allan et Andrew oĂą les liens entre phonèmes et graphèmes varient en fonction des origines de la langue tient de l’aberration totale ! C’est pourtant ce Ă  quoi sont exposĂ©s les Ă©coliers d’aujourd’hui.  

    Partis sur de pareilles bases, on conçoit que les enfants, dĂ©jĂ  dĂ©sarçonnĂ©s par les Ă©preuves auxquelles ils ont Ă©tĂ© confrontĂ©s en maternelle perdent vite pied en CP lorsqu’ils se retrouvent en prĂ©sence de phrases entières dont il leur faut dĂ©couvrir le sens. Ceux qui sont incapables de s’adapter Ă  la pĂ©dagogie qui leur est proposĂ©e n’ont que deux solutions possibles : apprendre et rĂ©citer par cĹ“ur les pages qu’ils doivent « lire Â» ou tenter d’inventer un contenu Ă  partir de ce qu’ils comprennent. Dans ce cas les images qui accompagnent le texte fournissent au module supĂ©rieur du cerveau des Ă©lĂ©ments qu’il va tenter d’utiliser pour suggĂ©rer des solutions de dĂ©cryptage au module phonologique dĂ©faillant. La lecture « devinĂ©e Â» est alors hĂ©sitante, peu fluide et entachĂ©e de multiples erreurs. Quant Ă  la restitution de l’oral par Ă©crit, sa qualitĂ© est le plus souvent catastrophique, mĂŞme chez les enfants qui ont rĂ©ussi Ă  lire correctement « malgrĂ© Â» ces mĂ©thodes aberrantes. La raison en est simple. Lors de cette transcription le module supĂ©rieur ne peut plus se contenter de transmettre au module phonologique des suggestions phonologiquement valables. Il lui faut intĂ©grer les donnĂ©es stockĂ©es dans la totalitĂ© de l’immense rĂ©seau interconnectĂ© qui permet la comprĂ©hension et l’utilisation de la grammaire. S’il existe des insuffisances ou des erreurs dans les connaissances mises en mĂ©moire Ă  un quelconque niveau de traitement de l’information, le module supĂ©rieur ne pourra pas extraire de ce rĂ©seau les donnĂ©es nĂ©cessaires pour effectuer le travail demandĂ©. L’utilisation du langage Ă©crit devient pour ces enfants un vĂ©ritable cauchemar. Il ne faut pas s’étonner de les voir dĂ©velopper un dĂ©sintĂ©rĂŞt devant le travail scolaire, un repli sur soi liĂ© au sentiment d’échec, un sentiment d’exclusion, de multiples manifestations psycho-somatiques d’angoisse voire mĂŞme de l’agressivitĂ©.  

    Une preuve concrète de l’importance de l’apprentissage du code alphabĂ©tique dans les pĂ©dagogies de la lecture est apportĂ©e par les recherches très approfondies qui ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es sur ce sujet par le NICHD. Le National Institute of Child Health and Human Development a Ă©tĂ© crĂ©Ă© aux Etats-Unis il y a environ 25 ans par le DĂ©partement de la santĂ© pour Ă©tudier l’illettrisme. Il dispose d’un  groupe de travail, le « National Reading Panel teaching children to read Â», qui a publiĂ© en dĂ©cembre 2000 un rapport très dĂ©taillĂ© faisant Ă©tat des effets de l’entraĂ®nement systĂ©matique Ă  la discrimination des phonèmes sur la qualitĂ© de la lecture et de l’orthographe.  

    Ce travail, constituĂ© d’études menĂ©es avec une très grande rigueur mĂ©thodologique, objective les liens qui unissent la connaissance de la structure phonologique de l’oral et la maĂ®trise de l’écrit.Ilcompare les performances des groupes d’élèves qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un entraĂ®nement phonologique par rapport Ă  ceux qui suivaient les procĂ©dures d’apprentissages habituelles. Les rĂ©sultats montrent sans ambiguĂŻtĂ© que les classes qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un entraĂ®nement phonologique systĂ©matique et d’un apprentissage du code alphabĂ©tique sont beaucoup plus performantes dans tous les aspects de la lecture (fluiditĂ©, lecture de mots inconnus et comprĂ©hension des textes lus) que celles dans lesquelles une procĂ©dure d’apprentissage global ou semi-global a Ă©tĂ© choisie. 

    S’il fallait une confirmation concrète Ă  une Ă©vidence tirĂ©e de la comprĂ©hension du mode de fonctionnement cĂ©rĂ©bral, ces Ă©tudes nous l’apportent. Leurs conclusions  ne peuvent surprendre : tout ce qui facilite la mise en mĂ©moire correcte des liens qui unissent les graphèmes et les phonèmes simplifie le travail du module supĂ©rieur du cerveau et lui permet d’atteindre son maximum d’efficacitĂ© en s’appuyant sur des donnĂ©es phonologiquement exactes, facilement et rapidement utilisables. L’auteur de ces lignes a pu constater, Ă  son modeste niveau, que l’association systĂ©matique Ă  l’apprentissage de la lecture d’exercices moteurs et sensoriels qui favorisent la mise en place du lien son/graphisme permet Ă  tous les enfants, grâce Ă  un travail exĂ©cutĂ© sur le son et le graphisme, d’accĂ©der Ă  la comprĂ©hension des Ă©lĂ©ments lus et au goĂ»t de lire qui en est le corollaire direct. A l’opposĂ©, les lecteurs qui ne maĂ®trisent pas bien le code phonologique commettent de nombreuses erreurs qui perturbent considĂ©rablement leur recherche du sens et les prive du plaisir de lire. Ainsi, non seulement l’apprentissage du code alphabĂ©tique n’est jamais une entrave Ă  la comprĂ©hension du texte lu mais il est une nĂ©cessitĂ© fondamentale dont le cerveau ne peut se passer pour accĂ©der au sens de l’écrit. Les très nombreux travaux d’une valeur scientifique incontestable dont nous disposons aujourd’hui apportent la preuve de cette rĂ©alitĂ© incontournable. L’apprentissage du code alphabĂ©tique des langues phonogrammiques est la condition essentielle du succès et la meilleure assurance d’accès au sens de l’écrit chez tous les enfants.  

    Les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments qui se dĂ©gagent de cet exposĂ© permettent de dĂ©finir les critères qu’il faut respecter pour proposer une mĂ©thode d’apprentissage de l’écrit qui rĂ©pondent aux exigences du cerveau et lui apporte les Ă©lĂ©ments dont il a besoin pour faciliter son travail Ă  la fois dans le domaine phonologique et dans la dĂ©couverte du sens. Nous en rĂ©sumerons les points principaux :  

    -         mĂ©thode alphabĂ©tique stricte s’appuyant toujours sur les acquis pour proposer chaque Ă©lĂ©ment nouveau en excluant les lettres finales muettes tant qu’elles ne peuvent pas ĂŞtre expliquĂ©es de manière logique ;  

    -         prĂ©sentation en noir et blanc pour faciliter la vision des formes  et absence d’images pour ne passolliciter l’hĂ©misphère droit et pour Ă©viter toute approche intuitive du sens. Cette rigueur, parfois mal comprise par les adultes qui pensent que tous les apprentissages doivent ĂŞtre ludiques, est au contraire, très bien accueillie par les enfants qui sont fiers d’être pris au sĂ©rieux et traitĂ©s « comme des grands Â» ; 

    -         introduction dans chaque leçon d’exercices sensori-moteurs pour favoriser les conditions d’établissement du lien son/graphisme et corriger les Ă©ventuels dĂ©ficits que les enfants peuvent prĂ©senter lorsqu’ils dĂ©butent l’apprentissage de l’écrit ; 

    -         travail de comprĂ©hension du sens de l’écrit par  entraĂ®nement Ă  la reformulation des Ă©lĂ©ments lus et au rĂ©sumĂ© de texte avec apprentissage du vocabulaire ;  

    -         association de l’apprentissage de l’écriture Ă  celui de la lecture.  

     

    Une dĂ©marche identique Ă  celle qui vient d’être prĂ©sentĂ©e pour la lecture a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par France BADOUR pour permettre un apprentissage aisĂ© de l’orthographe sous ses diffĂ©rents aspects : usage, grammaire, conjugaison. L’efficacitĂ© de cette pĂ©dagogie vient du fait qu’elle rĂ©pond, elle aussi, aux exigences du fonctionnement cĂ©rĂ©bral. DĂ©butant par la mise en place des donnĂ©es les plus simples, elle introduit peu Ă  peu les Ă©lĂ©ments plus complexes. La rationalisation des apprentissages rĂ©pond Ă  la demande de catĂ©gorisation du cerveau et allège ainsi le travail de la mĂ©moire en fournissant desrepères

    sur lesquels l’élève s’appuie. Les exercices prĂ©sentĂ©s font intervenir l’oralisation et l’épellation qui jouent un rĂ´le essentiel dans l’établissement du lien entre les sons et les graphismes et permet le plus souvent aux dysorthographiques de remĂ©dier Ă©galement Ă  leurs carences dans le domaine de la lecture. L’interactivitĂ© du travail Ă©tabli entre l’élève et la personne qui l’encadre, permet, par un système de questions et rĂ©ponses qui doivent toujours ĂŞtre formulĂ©es de manière identique, d’acquĂ©rir peu Ă  peu les automatismes nĂ©cessaires Ă  l’application des règles de la langue Ă©crite.   

    Le but que doivent se fixer les mĂ©thodes d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de l’orthographe doit ĂŞtre de permettre au plus grand nombre possible d’enfants d’accĂ©der Ă  une maĂ®trise de la langue Ă©crite qui leur donne les moyens d’acquĂ©rir des connaissances et de mettre en valeur leurs aptitudes. Mais, bien que cet objectif soit essentiel, il ne doit pas ĂŞtre le seul but visĂ© par ces pĂ©dagogies. Les circuits du langage, mis en place lors de l’apprentissage de la langue orale et Ă©crite, constituent des rĂ©seaux en permanence sollicitĂ©s dans l’expression de la pensĂ©e conceptuelle. Au moment oĂą les plus rĂ©cents modes d’exploration du fonctionnement cĂ©rĂ©bral nous apprennent que l’apprentissage se traduit par des rĂ©percussions anatomiques visibles sur les aires du cortex et les circuits qui les unissent, nous mesurons clairement la responsabilitĂ© de la pĂ©dagogie dans la construction de cette « tĂŞte bien faite Â» que Montaigne considĂ©rait, Ă  juste titre, comme le but de toute instruction. Les rĂ©percussions de choix pĂ©dagogiques bâtis sur des hypothèses erronĂ©es qui tournent dĂ©libĂ©rĂ©ment le dos aux connaissances de leur Ă©poque apparaissent sans Ă©quivoque : de très nombreux enfants sont irrĂ©mĂ©diablement condamnĂ©s Ă  l’échec parce que les pĂ©dagogies qui leur sont imposĂ©es pour apprendre Ă  lire sont contraires aux exigences du fonctionnement cĂ©rĂ©bral. Cette situation va malheureusement perdurer dans notre pays. En effet, M.LANG et M.FERRY, les deux derniers ministres de l’Education nationale, ont tous deux Ă©crit que la « querelle des mĂ©thodes Â» n’a pas lieu d’être puisque les pĂ©dagogies actuellement utilisĂ©es, situĂ©es, selon eux, Ă  mi-chemin entre les mĂ©thodes alphabĂ©tiques et globales, constituent un bon compromis entre les unes et les autres. Si le grand dĂ©bat sur l’école ne conduit, comme on peut le craindre, Ă  aucun changement en ce domaine, nos enfants continueront Ă  ĂŞtre dĂ©truits, en toute impunitĂ©, comme ils le sont depuis plus de deux gĂ©nĂ©rations. Quant Ă  ceux qui prĂ©tendent qu’il n’existe pas d’arguments scientifiques pour trancher le dĂ©bat, pourquoi refusent-ils d’ouvrir les yeux et de s’informer ?

           

                                                                                       Gh. WETTSTEIN-BADOUR

     *1 « Lecture : la recherche mĂ©dicale au secours de la pĂ©dagogie Â» (Prix Enseignement et LibertĂ© 1994).  

    *2 « Lettre aux parents des futurs illettrĂ©s Â» (Editions de Paris. 2000). 

    *3 « Pour bien apprendre Ă  lire aux enfants Â».    MĂ©thode FRANSYA, alphabĂ©tique plurisensorielle. 

    *4 « Pour bien apprendre l’orthographe Â».
     MĂ©thode FRANSYA.
    Trois niveaux sont disponibles, dont un présenté sur cassettes audio pour les élèves autonomes et les adultes.

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    Ces ouvrages sont disponibles sur demande Ă  : 

    FRANSYA
    33, rue de la Mariette
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    fransya@libertysurf.fr

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