Glenn Doman
PMEV
Fransya
Interview
Mise en oeuvre
Bibliographie
Liens
Catherine Annoot-Dionisi est mère d’un enfant de sept ans à qui elle a appris à lire en utilisant la méthode Doman.
Après lui avoir appris à lire à un âge particulièrement précoce, elle s’est rendue plusieurs fois aux Etats Unis, aux Instituts pour la Réalisation du Potentiel Humain, créés il y a plus de quarante ans par Glenn Doman et ses collaborateurs. Elle y a suivi trois séminaires, les deux premiers étant consacrés aux apprentissages chez les enfants bien portants et le dernier aux enfants souffrant de lésions cérébrales.
Comment avez-vous découvert cette fameuse méthode Doman ?
J’ai lu « J’apprends à lire à mon bébé », livre dans lequel Glenn Doman exposait sa méthode d’apprentissage précoce de la lecture.
Comment avez-vous appliqué cette méthode ?
J’avais d’abord besoin de davantage d’informations.
J’ai donc commandé à Philadelphie des livres et des K7 vidéo en Anglais. J’ai alors compris beaucoup de choses, et, en quelques mois, mon fils savait lire. Fort heureusement pour ceux qui l’achètent aujourd’hui, la nouvelle édition de « J’apprends à lire à mon bébé » comporte des explications complémentaires.
Qu’est-ce qui vous avait empêché de réussir ?
Pour réussir avec ce seul livre, il aurait fallu que j’ai un enfant qui ne s’agite pas dans tous les sens, un enfant qui réponde quand on lui parle. Il aurait suffi qu’il désigne, même sans parler, ses réponses. Mais non, il regardait vaguement, ou même ne regardait pas du tout, le matériel que je lui présentais. Je n’avais pas encore compris que l’essentiel, c’est de plonger l’enfant dans un bain de langage écrit, exactement de la même façon qu’on le plonge dans un bain de langage oral dès la naissance.
Qu’entendez-vous exactement par « plonger l’enfant dans un bain de langage écrit » ?
De même qu’on se contente d’exposer les enfants au langage oral, on devrait se contenter d’exposer ces mêmes enfants au langage écrit, sans jamais chercher à les tester, sans jamais leur demander de lire à haute voix (ils s’y mettent tout seuls quand ils en ont envie), sans jamais les obliger à regarder ce qu’ils n’ont pas envie de regarder.
Il faut absolument se contenter de leur présenter un matériel adapté à leurs circuits visuels immatures et, surtout, adapté à leurs centres d’intérêt.
« Adapté à leurs centres d’intérêt » ? C’est à dire ?
Si votre petit garçon est passionné par tout ce qui roule, commençez donc par lui montrer les mots « voiture », « camion », « Citroën », « Peugeot », « Mercedes »…Un peu plus tard, vous passerez à « voiture rouge », « voiture verte », « camion bleu »… « la voiture roule », « la voiture démarre »…
S’il en est au stade des balles et des ballons, allez-y de la même façon.
D’ailleurs, le plus facile est de commencer avec un bébé de quelques mois qui ne marche pas encore à quatre pattes parce qu’à cet âge là , tout ce qui est nouveau l’intéresse : ses centres d’intérêt ne sont pas encore bien définis.
Vous pensez vraiment qu’un bébé de quelques mois est capable d’apprendre à lire ?
Bien sûr ! D’ailleurs, plus il est jeune et plus c’est facile. Le problème, à cet âge là , ne vient pas du bébé mais de l’adulte qui n’est pas vraiment convaincu que son rejeton est réellement capable d’apprendre à lire.
La lecture n’est pas plus difficile que la compréhension du langage parlé. Il s’agit dans un cas de compréhension de symboles visuels et, dans l’autre, de symboles auditifs.
Viendrait-il à quiconque l’idée de commencer à parler aux enfants au plus tôt à l’âge de 5/6 ans ?
Que de difficultés alors en perspective ! ! ! On verrait fleurir en pagaille des associations et des comités de lutte contre les difficultés d’apprentissage du langage oral. On s’inquiéterait - à juste titre - qu’un grand nombre d’élèves de 6ème ne puissent comprendre ce que leur disent pourtant clairement et simplement les professeurs . On gaspillerait beaucoup de temps et d’argent en remettant régulièrement les pauvres gosses dans les mains de rééducateurs et de psychologues de tous poils, ces derniers recherchant désespérément la pathologie familiale ou le trouble relationnel mère-enfant qui serait à l’origine de la difficulté de l’enfant à comprendre l’oral…Bien sûr personne ne songerait à incriminer l’âge tardif du début de cet apprentissage, exactement comme c’est le cas aujourd’hui pour l’âge officiel ô combien tardif du début de l’apprentissage de la lecture !
Il n’est bien entendu pas question d’utiliser avec des tout petits les méthodes besogneuses qu’on utilise avec les plus grands. Ils n’en ont d’ailleurs aucun besoin : leur cerveau leur permet d’apprendre sans aucune difficulté le langage oral et le langage écrit.
Vous voulez donc leur apprendre à lire alors qu’ils ne sont pas encore capables de parler. N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ?
En aucun cas.
Lire, ce n’est pas lire à haute voix, c’est simplement comprendre un langage visuel.
Si on ne parle pas à un enfant pendant la « période sensible » au langage parlé, il éprouvera des difficultés à comprendre ce langage, puis à le parler par la suite…C’est une évidence. Et bien, si on ne montre pas à un bébé, comme c’est le cas aujourd’hui, du langage écrit pendant la « période sensible » à ce langage, il éprouvera aussi des difficultés à le comprendre, donc à le lire, puis à l’écrire…
Il y a pourtant de bons, voire d’excellents lecteurs, qui n’ont guère commencé à apprendre à lire avant l’âge de 5/6 ans. Ceci ne contredit-il pas votre thèse ?
Il y a aussi des gens capables de maîtriser parfaitement une langue étrangère apprise après l’âge de 6 ans, et même à l’âge adulte ! Mais le nombre d’individus qui réussissent ce tour de force est extrêmement limité.
Il y a effectivement des gens dotés d’un cerveau leur permettant d’apprendre à lire correctement à l’âge tardif de 5/6 ans, voire à l’âge adulte dans de très rares cas. Il y a aussi des gens dotés d’un cerveau leur permettant par exemple de découvrir les lois de la relativité ou de dessiner comme Léonard de Vinci…
Faut-il persévérer dans l’erreur sous prétexte que quelques uns « y arrivent » malgré tout ?
A quel résultat êtes-vous arrivée, concrètement parlant ?
J’ai commencé à apprendre à lire à mon fils lorsqu’il avait un an. A 18 mois, alors qu’il ne parlait pas encore, il était capable de désigner, en une fraction de seconde, n’importe quel mot au milieu d’un texte d’une vingtaine de mots (même s’il n’avait jamais vu le texte en question).
A quatre ans, il lisait déjà comme un adulte excellent lecteur.
Nos lecteurs vont probablement se dire que le cas de votre enfant est exceptionnel et qu’il bénéficiait au départ de dons particuliers…
Quasiment tous les enfants qui ont appris à lire à un âge analogue et de cette façon ont su lire à un âge très précoce.
Certains ont su lire à 18 mois, d’autres à 2 ans, certains seulement à 3 ans…Mais quelle importance ?
Y a-t’il d’autres avantages à l’apprentissage précoce de la lecture ?
Evidemment.
En améliorant leur savoir-lire, les enfants développent leur savoir-faire dans de nombreux domaines. Par exemple, les retombées sur l’apprentissage de l’écriture sont extrêmement positives : sans jamais avoir appris la moindre règle d’orthographe ou de grammaire, ils ne font pratiquement pas de fautes. Ayant appris à lire sans effort et avec plaisir, ayant eu accès à des domaines normalement réservés aux seuls lecteurs, ils ont développé leur goût de la connaissance.
Et bien entendu, à l’âge fatidique de 5/6 ans, ils peuvent se consacrer à des activités et à des apprentissages autrement plus intéressants et enrichissants que le fastidieux apprentissage du couple lecture-écriture.
Mais cette méthode, que vous nous décrivez comme une méthode de rêve, a sans doute son lot d’échecs, comme toutes les autres, non ?
Presque tous les enfants ayant appris de cette façon savent lire, avec une parfaite compréhension, avant l’âge de 5/6 ans. Et si certains enfants n’y parviennent pas ainsi, on peut dire que c’est une véritable bénédiction que de s’en apercevoir si tôt. Car alors, on va pouvoir traiter les dysfonctionnements neurologiques (on sait aujourd’hui que la plupart des cas de dyslexie sont dus à des dysfonctionnements neurologiques) qui les auraient, de toutes façons, empêché d’apprendre à lire à l’école et qui, pratiquement toujours, leur posent également des problèmes, à divers degrés, dans d’autres domaines que la lecture.
Sincèrement, la plupart des échecs sont dus au fait que les parents abandonnent.
Pourquoi tant de parents arrêtent-ils ce qui les avait tant séduit au départ ?
Parce qu’ils n’y croyaient pas vraiment ou parce que leur entourage les en dissuadait.
Parce que leurs enfants ne supportaient pas d’être testés. Parce qu’ils ne supportaient pas que chaque mot leur soit présenté pendant plusieurs secondes, alors qu’ils leur suffisait d’une fraction de seconde pour le percevoir. Parce qu’ils ne supportaient pas de revoir si souvent les mêmes mots, les mêmes couples de mots, les mêmes phrases... Là je suis très optimiste parce qu’en général les parents s’arrêtent au stade des mots : ils les ont présentés ad nauseum à leur bambin qui part dans la direction opposée dès qu’il aperçoit un carton recouvert de grosses lettres rouges…Le test, le rabachage et la lenteur sont des péchés mortels que commettent sans cesse les parents tant ils ont été conditionnés par les méthodes scolaires qu’ils ont eux-mêmes subies.
Passons-nous notre temps à tester les enfants à qui nous parlons pour vérifier qu’ils ont bien compris les mots et les phrases que nous leur disons ? Attendons-nous d’être sûrs qu’ils aient bien compris les mots « papa » et « maman » avant de prononcer ceux de « mamy », « grand-père », « sourire », « ballon » etc., etc.… ?
Les enfants sont avides d’apprendre, avides de nouveautés…ils se détournent vite des répétitions ennuyeuses, et ce d’autant plus que leur cerveau assimile à la vitesse de l’éclair. Simplement, ils n’ont encore que peu de moyens de nous le faire savoir . D’ailleurs, ils n’en ont cure de nous le faire savoir ! Ils sont à des années lumière d’imaginer l’importance que nous accordons à la maîtrise de la lecture. Ils apprennent à lire comme ils apprendraient le Russe avec des Russes , le Français avec des Français ou le Chinois avec des Chinois !
Beaucoup abandonnent parce que personne ne peut les aider, parce que personne autour d’eux ne peut les faire bénéficier d’une expérience positive. Ils sont seuls face à des difficultés inconnues et face à l’adversité de l’entourage. "
(Extrait d’un article paru dans la revue Ecole & Parents de Septembre/Octobre 2000)
Ne pas se casser la tĂŞte avec les cartons de mots ou couples de mots...
Sauf pour les tout petits pour lesquels il faut de grands panneaux avec de très grosses lettres, vous pouvez prendre des feuilles de papier 21/29,7 que vous pliez en deux dans le sens de la longueur. Vous en faites un petit stock et vous écrivez dessus à main levée (ça n'a pas besoin d'être parfait et il suffit de s'entraîner un tout petit peu à faire l'alphabet d'imprimerie) avec un feutre à l'eau qui ne traverse pas le papier. Il faut aussi passer au noir dès qu'on diminue la taille des mots (question de contraste).
Pour les livres, vous pouvez acheter des feuilles de bristol en 21/29,7 que vous perforez et pouvez relier avec des anneaux, du fil de nylon de pĂŞche que vous passez Ă la flamme, ou tout bĂŞtement de la ficelle (le plus Ă©colo et le moins cher).
Surtout, évitez le perfectionnisme dans la forme. Ca prend tellement de temps qu'on finit par se décourager et qu'on en oublie l'essentiel.
Ceux qui souhaitent obtenir des renseignements sur ce que proposent les Instituts aux parents d'enfants lésés cérébraux peuvent contacter l'association Neuf de Coeur, créée par Jean-Pierre Papin, lui-même père d'une enfant lésé cérébrale, et qui souhaite aider d'autres familles à bénéficier des résultats fabuleux obtenus avec sa fille grâce aux méthodes des Instituts :
Association Française de parents pratiquant la méthode Doman
Neuf de Coeur BP 9 33310 Lormont Tel : 05 57 80 99 68 Fax : 05 56 40 50 05 e.mail : 9decoeur@quaternet.fr
Il s’agit pour l’élève de progresser par lui-même et avec l’aider de ses pairs, s’il n’y arrive pas tout seul. C’est une pédagogie qui a l’intérêt de se mettre en place avec les outils traditionnels de l’école. Il s’agit d’organiser autrement la méthode de travail.
Donner à l’enfant les objectifs à atteindre, résoudre un problème, faire une dictée sans faute, apprendre l’orthographe de certains mots, etc.
Lui fixer un temps pour la réalisation de cet objectif
Faire le point avec lui et les autres élèves plusieurs fois avant la fin du délai imposé.
Demander à ceux qui ont réussi d’expliquer aux autres comment il s’y s’ont pris.
Chacun peut ainsi profiter de l’expérience de l’autre, enrichissant l’autre, lui-même et le médiateur, rendant visible le travail de recherche, d’apprentissage.
Lien vers un site très complet sur la PMEV
En faisant le tour de ce site on pourra constater certaines similitudes avec la pédagogie Freinet, elle s’en distingue tout de même.
Les méthodes d’aprentissage de la lecture
Le mot n’est pas une image
Les étapes de la compréhension de l’écrit
Le temps phonologique
Le temps sémantique
Complémentarité des deux modules du cerveau
Adaptation du cerveau aux différentes pédagogies de lecture
Liens
Dr Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR
gh.wettstein.badour@libertysurf.fr
14 Janvier 2004
Lorsque l’auteur de ces lignes a débuté, il y plus de trente ans, son activité auprès d’enfants en difficulté d’apprentissage de l’écrit, elle pensait, comme tant d’autres, que les perturbations d’origine socio-affectives étaient la cause principale de l’incapacité des élèves à apprendre à lire et écrire. Puis, peu à peu, une réalité tout autre se fit jour. Ces élèves ne présentaient, dans leur très grande majorité, aucun trouble psycho-affectif susceptible d’expliquer leur échec. Ils étaient scolarisés régulièrement et vivaient dans des familles qui leur apportaient aide et soutien, comme le montrait la démarche des parents qui les accompagnaient. L’étude systématique de leurs aptitudes intellectuelles donnait une représentation statistique sans particularités. Ces jeunes se trouvaient donc dans des conditions propices à la réussite. Ils subissaient pourtant tous un échec grave. C’est alors qu’une intuition se fit jour : les pédagogies utilisées pour apprendre à lire à ces enfants pouvaient-elles avoir une responsabilité dans leurs difficultés ? Mais comment infirmer ou confirmer cette hypothèse ? Seuls des arguments basés sur des travaux répondant aux exigences de rigueur attendues de la recherche scientifique pouvaient permettre d’atteindre cet objectif. Nous en résumerons ici les principaux éléments.
L’homme apprenant à lire avec son cerveau, c’est dans celui-ci que doit se trouver la réponse à notre interrogation. Si nous parvenons à comprendre quels sont les mécanismes cérébraux mis en œuvre dans la lecture nous saurons si les propositions pédagogiques utilisées pour apprendre à lire facilitent ou non cet apprentissage. Très curieusement, les chercheurs en pédagogie ignorent, pour ne pas dire refusent, une telle démarche. La prise en compte de l’existence du cerveau n’apparaît dans aucune de leurs publications. Totalement imprégnés de psychosociologie et de linguistique, ils demandent aux « sciences de l’éducation » la solution des problèmes qu’ils rencontrent. Or, celles-ci n’ont aucune chance d’y parvenir tant qu’elles se contenteront de bâtir des théories sur des hypothèses sans chercher à les valider et tant qu’elles ne prendront pas en compte les réalités organiques qui sont à l’origine des comportements. Elles se trouvent aujourd’hui dans la situation d’un cardiologue qui penserait pouvoir guérir ses malades en négligeant de s’intéresser à leur cœur et leur prescrirait, pour toute thérapeutique, d’apprendre à « gérer leur stress ». Nous en sommes là dans la réflexion pédagogique en 2004 et l’on est en droit de se demander avec effroi combien de décennies seront encore nécessaires pour y faire admettre le fait que les fonctions cognitives naissent dans le cerveau et dépendent de lui.
La première phase du travail, a consisté à comprendre comment le cerveau procède pour découvrir le sens de l’écrit. La quête d’informations, d’abord peu fructueuse, apporta des éléments d’un intérêt crucial après 1980 quand la neurologie entra dans l’ère des neurosciences. Au fil des années, les connaissances s’accumulèrent. Chacune d’entre elles portait sur des points très précis du fonctionnement cérébral. La difficulté, mais aussi tout l’intérêt de cette recherche, consista à rassembler les éléments qui permettaient d’avancer dans la compréhension des mécanismes mis en œuvre dans la lecture. Une première synthèse aboutit à la publication d’un ouvrage en 1994 (*1). Ce n’était qu’une étape. L’accélération des découvertes conduisit l’auteur à approfondir ses connaissances et à publier en 2000 un nouveau livre (*2) suivi de divers textes pour actualiser l’information apportée.
La confrontation entre le mode de fonctionnement du cerveau et les pédagogies utilisées dans l’enseignement montra clairement que les méthodes globales mais aussi les semi-globales (ou mixtes) qui sont - et vont continuer à être - utilisées dans la presque totalité des écoles pour apprendre à lire aux enfants se situent aux antipodes des attentes du cerveau en ce domaine.
La compréhension des mécanismes intervenant dans la lecture a mis en évidence un ensemble de contraintes à respecter pour faciliter l’apprentissage de la langue écrite. Un inventaire des méthodes disponibles sur le marché du livre a alors montré que certaines d’entre elles correspondaient partiellement aux impératifs attendus mais qu’aucune ne répondait à l’ensemble du cahier des charges imposé par le cerveau en matière d’apprentissage de l’écrit. Le but étant d’aider les familles des élèves en difficulté, il paraissait donc nécessaire de leur fournir une méthode d’apprentissage de la lecture et de l’écriture comprenant un manuel pédagogique pour l’élève et un ouvrage destiné aux parents afin qu’ils disposent d’un outil efficace et d’usage aisé. (*3). Largement utilisée désormais, cette technique d’apprentissage permet aux élèves qui ne parvenaient pas à lire avec les méthodes actuelles d’accéder à la maîtrise de la langue écrite. Appliquant les principes issus de la théorie, elle apporte la preuve concrète de l’influence des pédagogies sur la qualité des apprentissages.
Avant d’aborder les éléments qu’il faut connaître pour faciliter l’apprentissage de l’écrit, il est nécessaire de préciser quelques points essentiels concernant l’évolution des pédagogies de la lecture depuis cinquante ans.
Depuis des siècles et très probablement depuis plus de deux millénaires, les enfants apprenaient à lire grâce à des démarches alphabétiques dont la caractéristique est de fournir à l’apprenti lecteur la connaissance du lien qui unit la lettre avec le son qu’elle représente puis de combiner ces lettres ensemble pour former des mots.
Vers 1960 de nouvelles pédagogies de la lecture dont les prémices avaient vu le jour au milieu du 18ème siècle et étaient tombés dans l’oubli, sont apparues en France où elles se sont généralisées vers 1970. Les pédagogues, s’appuyant sur les hypothèses de la théorie de la forme (Gestalttheorie), de la psychanalyse et de la psychosociologie, ont introduit dans l’enseignement des modes d’apprentissages diamétralement opposés aux pédagogies alphabétiques. Leur objectif était d’arriver au « sens de la lecture » sans passer par le décodage, accusé d’être source d’incompréhension du texte. Eveline CHARMEUX, célèbre conseillère pédagogique dont l’influence fut déterminante dans ces trente dernières années, écrivait en 1983 avec une conviction qui surprend d’autant plus qu’elle ne s’appuie sur aucune tentative de preuve : « L’activité de construction du sens étant une activité de raisonnement, activité intelligente dans laquelle il n’y a pas de mécanisme, le déchiffrage n’existe pas. Il n’y a jamais eu de déchiffrage dans la lecture ; personne n’a jamais construit du sens en déchiffrant. La mise en place d’un mécanisme de déchiffrage et d’oralisation dresse des obstacles sur la route des enfants qui apprennent à lire. » (Pourquoi et comment construire une pédagogie efficace de la lecture ? Extraits de conférence. CDDP. Drôme).
Les méthodes globales proposent d’emblée des textes dans le but de faire découvrir aux élèves le sens des mots par déduction à partir de ce qu’ils entendent. Le mot est considéré comme image qui doit être mémorisée dans son ensemble avec sa signification et sera ensuite « reconnu » quand il sera à nouveau rencontré.
D’abord exclusivement globales, ces pédagogies ont subi une évolution vers des formes dérivées appelées pendant une trentaine d’années méthodes « semi-globales ». Le terme « global » qui a désormais une connotation très négative auprès des parents est maintenant banni du discours et remplacé par celui de méthodes « mixtes » ou « naturelles ». Les nombreuses déclarations médiatiques que l’intérêt pour la lutte contre l’illettrisme suscite les présentent comme un compromis idéal entre les pédagogies globales et les méthodes alphabétiques, ce qui, nous le verrons ultérieurement, constitue une désinformation majeure. Plus grave encore, la référence faite au code alphabétique par les deux derniers Ministres de l’Education nationale dans les différents textes qu’ils ont publiés (Réforme LANG et ouvrages de M.FERRY) a généré des commentaires affirmant que le retour aux méthodes alphabétiques était assuré. Or, il n’en est rien. Toute l’ambiguïté de ces textes vient du fait qu’ils font apparaître les termes « code alphabétique ». Nous verrons ultérieurement que tout apprentissage de la lecture exige, quelle que soit la méthode utilisée, d’arriver à la maîtrise de ce code. La seule différence entre les pédagogies concerne la manière dont on parvient à ce résultat.
Qu’il s’agisse de méthodes globales ou mixtes l’élève est confronté à des phrases dès la première page de son livre ou de ses feuillets de lecture. Mais alors que les méthodes globales ne distinguent aucun mot parmi les autres, les méthodes mixtes isolent dans les phrases des « mots-outils » qui doivent être mémorisés. Ceux-ci sont également proposés sous forme d’étiquettes que l’enfant doit « reconnaître » et qu’il manipule pour construire des phrases. La liste des prénoms des élèves de la classe, les jours de la semaine, les mois, les saisons, et bien d’autres éléments font partie de ces « mots-outils ». Ils sont le plus souvent affichés sur les murs de la classe, et ce, dès la grande ou même parfois la moyenne section de maternelle pour « familiariser l’enfant avec l’écrit » et l’inciter à découvrir le code alphabétique de la langue par « la fréquentation régulière » de ces mots. Dans chaque leçon, l’attention de l’élève est attirée sur une lettre ou un groupe de lettres correspondant à un son. On pense ainsi permettre à l’apprenti lecteur de parvenir à la « découverte du sens » en « faisant l’économie du décodage », considéré comme inutile - voire dangereux - et fastidieux.
Une intéressante citation de Roland Goigoux, Maître de Conférence à l’IUFM Clermont-Ferrand mérite d’être mentionnée :
« Nous montrons, par exemple, l’intérêt de prendre appui sur les textes mémorisés « par cœur » (comptines, titres d’ouvrages, extraits de récits, etc.) afin d’étudier l’organisation de la langue écrite. Débarrassés du souci de comprendre le message écrit, puisque celui-ci est connu, les enfants peuvent se consacrer à l’étude du code écrit. C’est une véritable aventure « à la Champollion » qu’ils entreprennent lorsqu’ils sont placés, comme le déchiffreur des hiéroglyphes, devant un message aux règles internes obscures mais dont la signification est claire. Comme Champollion, ils connaissent la signification du message et cherchent, avec l’aide de la maîtresse et du groupe, à déduire le fonctionnement du système linguistique écrit. Tout au long de l’année, de texte en texte, l’exploration se poursuit, instituant la classe comme une communauté de chercheurs. C’est ainsi que les enfants conservent des phases initiales de l’apprentissage une idée de conquête, d’appropriation de secrets, qui conforte leur confiance en eux-mêmes et qui crée, dès le début, une connivence avec le langage écrit.» (Cahiers pédagogiques, n° 352 mars 1997 ; texte donné au Concours des IUFM en 2002).
On ne peut s’empêcher de penser que si Champollion a découvert la signification de l’écriture égyptienne c’est qu’il disposait d’acquis culturels et de connaissances dans le domaine des langues anciennes qui lui ont permis de se livrer à un travail d’analyse et de synthèse que nos jeunes têtes blondes ou brunes de CP ne nous semblent pas être vraiment en mesure de mener à bien et l’on ne peut s’empêcher de craindre que la « communauté de chercheurs » espérée se transforme en une assemblée d’exclus pour laquelle le monde de l’écrit reste une énigme indéchiffrable !
Il n’est pas inutile de savoir que M.GOIGOUX est un membre éminent de la recherche pédagogique actuelle. Il a fait partie des experts que la très récente conférence de consensus sur l’enseignement de la lecture à l’école primaire, les 4 et 5 décembre 2003, n’a pas manqué de convier à ses travaux.
Jusqu’à ces vingt dernières années, il n’existait guère d’arguments pour réfuter de tels propos, hormis le simple bon sens. Mais qu’un responsable pédagogique puisse aujourd’hui tenir ce discours paraît tout aussi sérieux que d’affirmer, comme le faisaient les Shadocks, que la terre est plate !
Sans vouloir rentrer dans le détail des processus qui participent à l’élaboration de la compréhension du langage écrit nous nous contenterons de signaler ici les points essentiels que tout enseignant devrait avoir en mémoire avant de choisir une pédagogie de l’écrit.
Le dessin étant la première traduction graphique que l’Homme sut faire de son environnement il paraissait logique de considérer les mots comme des images. Cette hypothèse pouvait paraître pertinente à une époque ou la réflexion concernant la langue était du seul ressort de la philosophie. Elle s’avère pourtant être totalement fausse.
Depuis les travaux de R.W.SPERRY, Prix Nobel de médecine en 1981, nous savons qu’il existe deux formes de graphisme bien différentes l’une de l’autre à la fois par leur nature et par leur mode de traitement.
Ce chercheur a permis de différencier deux variétés distinctes de signes graphiques. Ceux qui traduisent par écrit des sons, tels les mots, les idéogrammes, les notations musicales sont, comme le langage oral, traités par l’hémisphère gauche par une succession d’opérations d’analyse et de synthèse. Par contre, les graphismes qui représentent de manière plus ou moins concrète ou symbolique une réalité ou un concept issu de l’environnement sont des images prises en charge par l’hémisphère droit qui travaille de manière analogique en comparant des ensembles de formes à identifier avec ceux dont il dispose en mémoire. Ces travaux ont une importance capitale dans la compréhension des mécanismes de la lecture en montrant que les mots ne peuvent, en aucun cas, être assimilés à des images.
De nombreuses études ont confirmé cette différenciation d’importance fondamentale entre signes graphiques et images. Quelle que soit la nature des langues écrites, cette réalité neurologique est identique. Les idéogrammes, pas plus que les mots des langues alphabétiques, ne sont des images. Comme tous les signes du langage écrit, ils sont traités par l’hémisphère gauche qui utilise pour en découvrir la signification les mêmes techniques que celles qu’il met en œuvre dans les autres types d’écriture. Nous ne nous attarderons pas ici sur la compréhension de cette forme d’expression si différente de la nôtre. Mais nous citerons des travaux dont l’intérêt essentiel est de confirmer la différenciation opérée par le cerveau entre les mots et les images.
Des chercheurs japonais ont observé les conséquences de lésions cérébrales chez des patients qui lisaient correctement deux langues, l’une de nature alphabétique, le Kana, l’autre de nature idéogrammique, le Kanji. Les conclusions de leurs études sont hautement instructives. Elles montrent que les lésions de l’hémisphère droit n’altèrent ni la lecture du Kana ni celle du Kanji. Par contre, les sujets atteints de lésions des aires du langage de l’hémisphère gauche sont incapables de lire le Kana ainsi que la plupart des signes Kanji. Par contre, ils reconnaissent bien les images qu’ils sont capables de trier et d’identifier. Il leur est également possible de reconnaître quelques signes graphiques très simples lorsque ceux-ci s’apparentent par la forme aux mots qu’ils représentent. En Kanji, le graphisme signifiant « arbre » est symbolisé par une forme qui représente un arbre stylisé. Cette représentation graphique n’est pas considérée par le cerveau comme un signe linguistique mais comme un pictogramme c’est à dire le dessin de l’objet auquel il correspond. C’est une image reconnue et donc traitée comme telle par l’hémisphère droit. Par contre, le mot « forêt » symbolisé graphiquement par trois pictogrammes figurant l’arbre est « lu » par l’hémisphère droit « arbre, arbre, arbre ». Le patient qui reconnaît l’image de l’arbre ne peut pas passer au stade de la compréhension du concept « forêt » qui correspond à une véritable activité de lecture que seul son hémisphère gauche peut réaliser. Ces travaux font clairement apparaître la différence fondamentale qui existe entre les mots et les images et apportent la preuve de l’incapacité de l’hémisphère droit à accéder à la lecture.
Plus récemment les études effectuées grâce à l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRM.f) ou par tomographie par émission de positrons (PET) confirment ces données. La lecture de mots et de phrases développe une activité neuronale d’une très grande intensité dans l’hémisphère gauche. L’hémisphère droit est peu stimulé, aussi bien chez le débutant que chez le lecteur averti. L’entraînement ne modifie pas la nature des mécanismes de la lecture qui reste analytique quel qu’en soit le stade d’automatisation. Si la lecture acquise devenait globale, comme certains n’hésitent pas à l’affirmer, on retrouverait chez le lecteur entraîné une forte stimulation de l’hémisphère droit, ce qui n’est jamais le cas. Une conséquence visible de l’entraînement sur le cortex est de diminuer la surface des aires utilisées pour réaliser la tâche demandée. La répétition d’une tâche permet au cerveau de sélectionner les neurones les plus performants pour accomplir le travail à exécuter mais ne change en rien la nature des opérations qu’il accomplit pour parvenir au résultat.
Il nous faut désormais tenter de comprendre comment le cerveau parvient à maîtriser l’écrit, à en comprendre sa signification et à le reproduire.
La difficulté d’abord de cette question vient du fait que le caractère linéaire du langage oral et écrit impose la même structure à l’expression de la pensée. Or, les mécanismes que nous devons exposer sont générés par des systèmes bouclés et totalement interconnectés dans une logique à la fois cybernétique et connectiviste qui lie chacun d’entre eux aux autres de manière indissoluble. Pour comprendre ce qu’est réellement la lecture, il faut avoir en permanence présent à l’esprit le fait que tous les neurones, quel que soit leur degré de spécialisation, travaillent ensemble et que chacun d’entre eux communique aux autres l’information qu’il a traitée. Cette remarque prise en compte, on peut identifier dans le processus de lecture deux temps qui interviennent de manière synchrone et complémentaire :
- le temps phonologique exécuté par le module phonologique du cerveau aboutit à la mise en concordance des unités sonores élémentaires de la langue, les phonèmes, avec les unités graphiques élémentaires qui leur correspondent, les graphèmes ;
- le temps sémantique, réalisé par le module supérieur du cerveau, permet la découverte de la signification de ces assemblages intégrés dans des ensembles graphiques de plus en plus importants : les mots, les phrases et les textes.
La nécessité de réunir les éléments sonores élémentaires de la langue orale avec les signes graphiques qui les représentent nécessite de savoir reconnaître les sons qui composent la chaîne du langage oral ainsi que les signes qui constituent la chaîne graphique.
est le temps de la lecture qui a donné lieu au plus grand nombre de travaux. D’abord issue des études faites sur la pathologie du langage, la connaissance en ce domaine a beaucoup progressé grâce aux procédés actuels d’exploration cérébrale.
Dans toutes les langues, l’écrit a pour but de représenter les constituants sonores de l’expression orale par des formes graphiques. Notre propos étant centré sur l’apprentissage du langage écrit nous ne mentionnerons au sujet de l’oral que les points essentiels à la compréhension de l'écrit.
Le langage oral est constitué d’une succession de sons émis les uns après les autres. Ils atteignent l’oreille interne au rythme de leur émission. La langue écrite dispose de la même linéarité dans le temps à laquelle s’ajoute une dimension spatiale liée au déroulement du graphisme sur son support. Il existe entre ces deux types d’expression une concordance qui va se retrouver dans la fonction organique qui les unit.
Le lien entre les sons et les signes est une constante inhérente à la nature même de l’expression linguistique écrite mais le niveau auquel s’établit ce lien n’est pas identique dans tous les types de langage. Nous nous limiterons ici à l’étude des langues phonogrammiques alphabétiques auquel le français appartient.
Dans ces modes d’expression, l’analyse sonore des éléments constitutifs de la langue est poussée à son stade ultime. La syllabe correspond aux sons qui peuvent être exprimés en une seule émission vocale. Mais une analyse fine de ces syllabes montre que beaucoup d’entre elles sont constituées de plusieurs unités sonores : les phonèmes. Par exemple le mot « chat » est composé d’une syllabe mais de deux phonèmes ( ch+a ), le mot « lapin » de deux syllabes et de quatre phonèmes ( l+a+p+in ). L’écriture représentant chaque phonème par un signe, le graphème, l’analyse phonologique doit permettre d’isoler tous les phonèmes constitutifs de la langue. En combinant entre eux les graphèmes qui les représentent, il devient alors possible d’écrire tous les mots du registre vocal. Cette conception de l’écrit a l’avantage d’alléger considérablement le travail de mémorisation en le cantonnant à l’apprentissage d’un nombre limité de graphèmes. Par contre, elle nécessite de maîtriser les lois de la combinaison des graphèmes entre eux et celles de l’orthographe que génère inévitablement ce type de langage écrit.
Le nombre de phonèmes varie largement suivant les langues. Il existe souvent plusieurs combinaisons graphiques pour transcrire le même phonème. Ainsi l’anglais comporte 1120 graphèmes pour 41 phonèmes. Le français est constitué de 35 phonèmes transcrits par 190 graphèmes. Par contre, l’italien et l’espagnol ont pratiquement autant de phonèmes que de graphèmes. Plus l’écart entre le nombre de phonèmes et de graphèmes est grand, plus l’apprentissage des correspondances entre sons et graphismes est complexe. Ce n’est pas un hasard si la dyslexie touche majoritairement les pays anglophones et francophones alors qu’elle se réduit en général à une simple lenteur de la lecture dans les pays parlant italien ou espagnol.
Tous les spécialistes des neurosciences s’accordent pour présenter le découpage phonologique comme un des temps essentiels de la lecture et tout spécialement de son apprentissage.
Cette aptitude très particulière à discriminer les sons, innée chez l’homme, est inscrite dans son code génétique. Elle est particulièrement adaptée à la structure linéaire du langage. Elle se manifeste dès la naissance. L’enfant parvient très vite, et même très probablement dès les premiers jours de sa vie, à discriminer les voyelles. Puis il reconnaît peu à peu les syllabes les plus fréquemment utilisées autour de lui. La progression du langage oral reflète cette capacité universelle du cerveau qui va peu à peu mettre en place ses connexions neuronales en fonction des stimulations reçues de l’environnement. Au fur et à mesure où il identifie les sons dans le chaos sonore qui l’entoure, l’enfant les reproduit, leur attribue une signification et les mémorise. Mais à côté de ce lexique des mots, se construit également un lexique des phonèmes qui les composent.
Les capacités d’adaptation à la discrimination phonologique, maximales dans les trois premières années de la vie, diminuent ensuite assez rapidement. De nombreux travaux montrent que la capacité de segmentation de la chaîne sonore vers l’âge de cinq ans est le meilleur élément prédictif des aptitudes en lecture d’un enfant et que ce facteur est indépendant des conditions de vie socio-économiques. D’autres études, exécutées avec des sujets qui n’ont pas pu apprendre à lire et écrire montrent que ceux-ci ont de grandes difficultés pour isoler les phonèmes dans les syllabes entendues. Cette particularité se retrouve également chez les illettrés. Une des grandes caractéristiques des dyslexiques réside dans le fait qu’il leur faut souvent dix fois plus de temps que les autres sujets pour parvenir à discriminer les sons les uns des autres et à les identifier. Beaucoup d’enfants, sans être de grands dyslexiques, présentent cependant plus de difficultés que d’autres pour segmenter la chaîne sonore. On considère que 30% des enfants de six ans n’ont pas acquis la conscience des phonèmes. Il est possible de les aider à corriger cette carence mais il faut savoir qu’à cet âge ils ne parviendront plus seuls à résorber ce déficit. Cette réalité doit être prise en compte dans la pédagogie de la lecture : celle-ci doit impérativement inclure des techniques d’apprentissage susceptibles de permettre aux enfants qui présentent des difficultés de discrimination des sons de combler leur handicap.
La lecture nécessitant de relier les unités sonores aux graphismes qui les représentent, le deuxième volet du traitement phonologique de l’information porte sur la reconnaissance des graphèmes. Pour y parvenir, il faut à la fois être capable d’identifier leurs formes et de les orienter dans l’espace.
La compréhension des mécanismes essentiels qui conduisent à la reconnaissance des graphèmes nécessite de rappeler quelques données essentielles de la perception visuelle.
La reconnaissance des lettres nécessite une analyse visuelle fine dont seule est capable la macula. Cette petite surface de 2 mm² environ, située au centre de la rétine et composée exclusivement de cônes, est la seule partie de la rétine qui permet une vision précise des détails. Elle analyse la forme, la position dans l’espace, la longueur d’onde, les contrastes de chaque point qu’elle explore et transmet au cerveau les résultats de son analyse. Contrairement au champ visuel qui couvre toute la portion d’espace qui peut se projeter sur l’ensemble de la rétine, la surface susceptible de donner une image sur la macula est très petite. Elle peut se définir mathématiquement et dépend uniquement des caractéristiques du système optique de l’oeil et de la distance à laquelle est situé l’objet à percevoir. En ce qui concerne la lecture, le champ maculaire ne peut analyser qu’un très petit nombre de lettres (2 à 4 selon les individus et les calligraphies). Aucun entraînement ni aucune technique pédagogique ne peut modifier les dimensions de cette surface. La vision fine exigée par la lecture nécessite donc un déplacement de l’oeil, nommé saccade oculaire. Le champ à explorer dans la lecture est couvert par la succession des saccades oculaires.
La saccade oculaire est le mouvement qui permet de fixer la direction du regard sur la cible à percevoir afin que l’image de celle-ci se projette très exactement sur le centre de la macula. Parfaitement adaptée à la linéarité spatiale de l’écrit, elle permet, par le balayage de l’espace qu’elle effectue, d’envoyer les informations visuelles au cerveau de manière séquentielle.
La rétine périphérique participe également à la lecture mais son rôle est très différent de celui de la macula. Constituée de cellules, les bâtonnets, qui n’ont pas les mêmes aptitudes fonctionnelles que les cônes, elle explore l’espace qui entoure le champ maculaire et transmet des informations sur la situation des signes graphiques, la longueur des mots, les espaces qui les séparent. C’est elle qui indique au cerveau où doit commencer et finir le travail d’analyse et de synthèse destiné à mener à la compréhension du sens de chaque mot mais elle n’intervient pas dans le processus d’identification des lettres, pas plus chez le lecteur très performant que chez le débutant. Il suffit pour s’en convaincre de constater ce qui se produit dans les pathologies oculaires. Dans les dégénérescences maculaires du sujet âgé, par exemple, la vision fine et la lecture deviennent de plus en plus difficiles au fur et à mesure de la destruction des cônes alors que la possibilité de percevoir certaines caractéristiques de l’espace en utilisant le champ visuel périphérique est conservée.
Chaque saccade nécessite un très grand nombre d’ordres de stimulations et d’inhibition donnés par les circuits impliqués dans cet acte moteur d’une extrême complexité.
Rien ne peut modifier la vitesse avec laquelle l’oeil se déplace pendant la saccade d’un point à un autre. Par contre, la durée de l’arrêt de l’oeil sur sa cible dépend de la qualité de l’information que le cerveau retire de cette pause. Des neurones « pauseurs » entrent en action pour prolonger l’immobilisation de l’oeil tant que le cerveau n’a pas extrait une information suffisante de ce qu’il voit. Il peut même y avoir un ordre de retour en arrière de l’axe du regard pour tenter un nouvel essai de découverte de la signification si les éléments observés ne sont pas identifiés. L’inhibition du mouvement de l’oeil est levée dès qu’une compréhension suffisante est extraite de la pause oculaire. L’oeil peut alors se centrer sur l’objectif suivant.
On mesure l’impact de cette connaissance sur la pédagogie de la lecture : toute technique d’apprentissage qui facilite la compréhension des éléments visuels accélère le déblocage de la saccade ultérieure. La fluidité et la vitesse de la lecture sont directement liées à la rapidité de compréhension par le cerveau du contenu visuel de chaque pause oculaire.
La vision de surfaces très limitées vues de manière très précise par séquences successives est une réalité organique parfaitement adaptée aux nécessités d’analyse et de synthèse que l’hémisphère gauche impose dans son traitement de l’information. Toute proposition pédagogique qui ne tient pas compte de ces faits est une aberration. Au risque de déplaire à beaucoup de pédagogues qui affirment le contraire, des travaux récents ont montré que les meilleurs lecteurs sont ceux qui lisent « lettre à lettre » et utilisent le moins le contexte pour découvrir le sens des mots.
Les perceptions visuelles du graphisme vont subir dans l’hémisphère gauche une succession d’opérations qui ont pour but de combiner les éléments analysés en opérant de proche en proche jusqu’à ce qu’un assemblage corresponde très exactement avec une forme présente dans le lexique des graphèmes qui se construit dans le cerveau au cours de l’apprentissage. La perception des unités graphiques acquiert une signification quand elle est identifiée au souvenir d’un graphème dont la correspondance sonore est connue. Cette prise de « conscience phonologique » comme l’appellent les auteurs anglo-saxons est la première étape qui conduit vers la découverte du sens de l’écrit. Pour que cette jonction puisse se réaliser correctement il faut que les différentes tâches d’identification des formes et des sons soient correctement exécutées. Mais il faut également que les éléments extraits du lexique phonologique et de celui des graphèmes se maintiennent en situation de rappel pendant une durée supérieure au temps mis pour identifier l’information en cours de traitement. Plus l’identification des sons et des graphismes est courte, plus les chances de parvenir à reconnaître la signification phonologique de ces assemblages sont grandes. On comprend ainsi pourquoi l’entraînement à la prise de conscience phonologique des éléments constitutifs de la langue a une importance fondamentale sur le plan pédagogique.
Au terme de ce passage dans les diverses aires du module phonologique la correspondance entre le son et le graphisme qu’il représente est établie pour chaque saccade. Cette information est transmise au module supérieur du cerveau pour qu’il effectue le travail de découverte du sens des ensembles dans lequel ces éléments sont intégrés : les mots, les phrases et les textes.
La technique de travail de l’hémisphère gauche indiquée précédemment pour la découverte de la conscience phonologique s’applique également à la recherche du sens des mots et des ensembles de mots.
Le module supérieur du cerveau traite, lui aussi, les données qui lui parviennent en les réunissant de proche en proche jusqu’à ce qu’il puisse établir une concordance parfaite avec des éléments strictement identiques stockés dans sa mémoire et dont il connaît le sens. C’est cette concordance qui fournit la clé de la signification.
Pour comprendre un mot, le cerveau doit garder en mémoire le souvenir du contenu de toutes les saccades qui le concernent pendant un temps suffisant pour rendre possible les essais de combinaisons des différents éléments entre eux. Le mot est compris quand l’ensemble des signes graphiques qui le composent correspond à un mot de la langue orale dont le sens est connu. L’écrit est compris par comparaison avec l’oral. C’est ce qu’on appelle la voie phonologique ou indirecte de la lecture, puisqu’elle nécessite le passage par un intermédiaire oral. Lorsque le décryptage d’une ou plusieurs saccades est trop lent, le souvenir des éléments lus lors de la saccade précédente risque d’être effacé. L’intégration de certaines parties de mots dans des ensembles plus importants ne peut plus se faire. La lecture n’est alors qu’un déchiffrage laborieux de signes graphiques qui n’évoquent aucune signification au lecteur. On comprend, là encore, l’importance de la rapidité du travail d’identification au niveau phonologique. Plus celui-ci est rapide plus les chances de maintien en mémoire des éléments identifiés durant un temps suffisant sont grandes. La possibilité d’intégration des données dans des ensembles sémantiques importants dépend ainsi directement de la qualité de traitement des informations que le module phonologique transmet au module supérieur.
Nous avons signalé ci-dessus le fait que la compréhension du sens se fait par référence à l’oral. Ceci signifie qu’un mot ne peut être compris que s’il appartient au stock de vocabulaire mémorisé par le lecteur. Le stockage dans le cerveau des mots du langage oral et de leur signification se fait suivant une logique destinée à en faciliter la compréhension. Ils sont triés et stockés par catégories lexicales ou sémantiques, par exemple, mots de la même famille, mots concrets, mots abstraits. Il existe également une mise en mémoire par catégories grammaticales : verbes, noms communs, noms propres, sujets, pronoms, adjectifs, adverbes, etc. La grammaire n’est pas une création d’érudits qui auraient voulu standardiser la langue dans un souci de rationalisme parfaitement arbitraire. La grammaire est une réalité indissociable de la nature même de la langue. Elle répond aux modes de classement des données dans la mémoire cérébrale. Tous ceux qui ont élaboré des concepts plus ou moins abstraits pour expliquer le rôle des mots dans les phrases n’ont fait qu’expliciter ce que le cerveau réalise chaque jour pour parler. Les étapes de l’acquisition du langage oral et de la mise en mémoire de ses fonctions grammaticales part, là encore, du plus simple pour aller vers le plus complexe. Après les quelques syllabes répétées qui constituent ses premières expressions orales, l’enfant introduit le verbe dans son discours. Ce mot qui exprime une volonté, une action ou un état, se situe au cœur du langage qui va se construire autour de lui. L’enfant identifie peu à peu des mots que son cerveau apprend à classer par fonctions : ceux qui désignent la personne qui fait l’action, ceux qui complètent le sens du verbe, ceux qui relient deux parties de phrases, etc. Au fil du temps la prise de conscience de la langue orale affine les classifications qui incluent des ensembles grammaticaux plus élaborés.
Les fonctions grammaticales des mots sont souvent traduites graphiquement dans les langues alphabétiques par les marques de l’orthographe qui permettent d’expliciter par écrit le rôle de chaque mot dans la phrase. Pour parvenir à la compréhension du sens il faut intégrer ces éléments dans les procédures d’analyse et très souvent opérer un choix entre plusieurs possibilités. Par exemple, il faut définir si les lettres finales de certains mots font partie intégrante de ce mot ou sont l’expression du genre, du nombre ou de la nature grammaticale de celui-ci. La difficulté est maximale lorsque deux mots strictement identiques sur le plan graphique correspondent à des significations différentes. Prenons le célèbre exemple : « les poules du couvent couvent ». Les équivalences sons/graphismes fournissent ici plusieurs solutions entre lesquelles il va falloir choisir pour découvrir la signification de cet ensemble de mots. Dans un cas comme celui-ci, le correcteur d’orthographe des ordinateurs souligne le deuxième terme qu’il prend pour une répétition. Il est en effet capable de comparer des formes graphiques et de repérer leur similitude mais il ne peut effectuer le travail de déduction du sens par identification de la valeur grammaticale des mots, tâche que le cerveau est, quant à lui, capable de réaliser. Pour comprendre cette phrase, il passe en revue toutes les solutions possibles correspondant au « ent » final jusqu’à ce qu’il découvre une combinaison qui donne un sens à la phrase. Elle sera comprise quand il aura pris conscience du fait que le premier mot est un nom terminé par le son « en » suivi d’un « t » muet et que le second est un verbe dont le « ent » final est une de ses formes conjuguées liée à la présence d’un sujet pluriel. Pour lire cet ensemble de mots il faut disposer de deux types de connaissances : celle de la fonction grammaticale des mots et celle de la signification des mots « couvent » et « couver ». Si ces conditions ne sont pas réunies toute compréhension est impossible.
Si l’on peut aujourd’hui mettre en évidence, l’existence d’aires corticales spécialisées dans le stockage des mots de la langue orale en fonction de leur sens il n’en est pas de même pour l’écrit. La plupart des chercheurs pensent qu’il n’existe pas d’aires de la grammaire permettant de stocker les mots sous chacune de leur forme grammaticale. La complexité du traitement grammatical des mots conduit à évoquer, pour parvenir au résultat, l’intervention de multiples réseaux associatifs interconnectés reliant entre elles toutes les aires cérébrales concernées par le langage oral et écrit. Ce modèle de structure semble être le seul à pouvoir utiliser et traiter une telle somme d’informations en donnant à tous les neurones la possibilité de puiser dans l’ensemble de ce réseau les données nécessaires aux multiples arbitrages qu’ils doivent rendre pour aboutir au résultat.
Les constituants du module supérieur sont très majoritairement localisés dans l’hémisphère gauche quoique moins regroupés que ceux du module phonologique. On a également mis en évidence des formations appartenant au module supérieur assez disséminées dans l’hémisphère droit, en particulier dans le lobe frontal. Il s’agit surtout de groupes de neurones qui interviennent dans le rappel des souvenirs ainsi que de structures permettant la perception de certaines caractéristiques de la phrase : rythme, musicalité, intégration du discours dans le contexte. L’hémisphère droit approfondit la connaissance du mot et apporte à la logique rigoureuse de l’hémisphère gauche la dimension créatrice de l’intuition et la mise en perspective de l’expérience vécue. Mais il faut cependant rappeler que des lésions étendues de l’hémisphère droit ne perturbent pas la lecture ni dans sa fluidité, ni dans sa compréhension, ce qui confirme son rôle très limité dans la lecture.
L’étude du temps phonologique et du temps sémantique de la lecture nous a montré que le module supérieur du cerveau travaille à partir des données que lui transmet le module phonologique. Il ne peut parvenir à des résultats corrects que s’il reçoit des informations parfaitement traitées au stade phonologique et s’il dispose en mémoire dans ses différents lexiques de données exactes et facilement exploitables. Toute erreur commise par le module phonologique rend ainsi très difficile, voir même impossible, le travail du module supérieur.
Mais la complémentarité des deux modules du cerveau ne s’arrête pas là . Si le module supérieur est directement dépendant du module phonologique, ce dernier bénéficie également de l’aide du module supérieur. Pendant que le module phonologique adresse des informations au module supérieur, celui-ci lui envoie, par les multiples interconnexions qui les unissent, des suggestions de solutions susceptibles de l’aider. Au fur et à mesure où le module supérieur rassemble des informations, surgissent de sa mémoire des souvenirs de mots qui commencent par les éléments déjà identifiés. La transmission de ces différentes possibilités accélère le processus de liaison son/graphisme dans le module phonologique en lui permettant de lever des ambiguïtés. Plus le travail phonologique avance, plus le nombre de solutions envisageables se réduit pour arriver, dans la très grande majorité des cas, à une possibilité unique à la fin de chaque mot. Mais ce phénomène de facilitation peut aboutir à des solutions erronées. Nous avons tous constaté que les lecteurs en difficulté commencent souvent à lire correctement un mot et finissent leur lecture par des syllabes différentes de ce qui est écrit. Le module supérieur du cerveau a suggéré au module phonologique une solution inadaptée que ce dernier, en difficulté dans la découverte du lien son/graphisme, n’a pas su évacuer. Pour éviter ce type d’erreurs, le module phonologique doit être en permanence en mesure de censurer les suggestions apportées par le module supérieur pour ne retenir que celles qui correspondent parfaitement aux graphèmes auxquels il est confronté. En cas de difficulté de lecture et de nécessité de choix entre différentes options possibles, c’est le module phonologique qui permet de contrôler l’hypothèse suggérée. C’est donc lui qui, en dernier ressort, est le garant de l’exactitude de la lecture.
Ce mécanisme de facilitation semble se mettre en place progressivement au cours de l’apprentissage de la lecture et en accompagne l’automatisation. C’est lui qui donne de la rapidité à la lecture des mots fréquemment rencontrés pour lesquels les circuits du langage ont été fréquemment sollicités. Mais ce que nous savons de la manière dont les circuits cérébraux sont interconnectés ne semble pas permettre de dissocier le phénomène de facilitation de l’étape phonologique à laquelle il semble intimement lié.
Certains chercheurs se sont cependant demandé si l’automatisation des circuits cérébraux chez les lecteurs entraînés ne pouvait pas aboutir à la mise en place d’une voie directe de la lecture, c’est-à -dire d’une comparaison entre les éléments analysés et des mots stockés sous leur forme écrite dans un lexique qui supprimerait la nécessité de leur lien avec leur équivalence phonologique pour être compris. Cette hypothèse est une piste de travail qu’aucun élément neurologique ne permet actuellement de retenir. La majorité des chercheurs pensent que cette possibilité, si elle existe, ne peut se réduire qu’à des mots très courts, simples, invariables et très souvent rencontrés mais elle ne paraît pas envisageable pour les mots qui subissent des altérations orthographiques. Par contre, il se peut qu’il existe une voie rapide d’accès applicable à la lecture de certains petits mots très usités. Celle-ci correspondrait, en fait, à un phénomène de facilitation consécutif à la sélection des circuits les plus performants pour la tâche à accomplir. La rapidité de traitement de l’information pourrait permettre aux éléments analysés par la rétine et les aires visuelles de l’hémisphère gauche de s’engager vers la comparaison directe des graphèmes avec une forme graphique mémorisée sans que la prise de conscience de sa valeur phonologique soit nécessaire à sa compréhension. Si cette hypothèse était exacte, ce que rien ne démontre aujourd’hui, elle ne permettrait aucunement de conclure que la lecture de ces mots est globale. Les auteurs qui ont envisagé cette possibilité, considèrent que si une séparation entre la voie directe et indirecte de la lecture existe, celle-ci n’interviendrait qu’après analyse des éléments graphiques constitutifs du mot. Ceci exclut toute possibilité de modification de la nature de traitement de l’information. Celle-ci reste analytique comme le démontre l’absence d’augmentation d’activation de l’hémisphère droit en IRM.f dans la lecture automatisée. Des études réalisées avec cette technique d’exploration du fonctionnement cérébral montrent que lorsque des listes de mots sont proposées à des lecteurs, la répétition de la tâche réduit la surface des aires utilisées pour lire ces mots. Elle facilite le travail et permet au cerveau d’arriver au même résultat en mobilisant un moins grand nombre de neurones mais les mécanismes mis en œuvre pour lire n’activent pas d’autres aires cérébrales que celles qui sont habituellement concernées par ce travail. Aucune stimulation supplémentaire n’apparaît dans l’hémisphère droit. On reste donc, chez le lecteur entraîné comme chez le débutant, dans une procédure analytique assumée par l’hémisphère gauche.
A l’issue de ce rapide exposé on mesure à quel point les deux temps de la lecture sont liés. On comprend en particulier le rôle central qu’occupe le module phonologique. La découverte du sens du texte est strictement dépendante de la qualité du travail du module phonologique. Aucune lecture n’est possible sans maîtrise du code qui unit les signes graphiques aux sons qu’ils représentent. Ce fait est confirmé par de nombreuses études portant sur la dyslexie. Celles-ci exécutées grâce à l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle, montrent clairement que cette pathologie touche essentiellement le module phonologique du cerveau.
Toute lecture nécessitant impérativement la connaissance du code alphabétique de la langue, le cerveau devra parvenir à le maîtriser quelles que soient les méthodes utilisées pour l’apprentissage de la lecture. Il s’agit là d’une réalité incontournable liée à la structure même du cerveau. La seule différence entre les pédagogies porte sur la manière d’atteindre cet objectif.
ceux qui désignent la personne qui fait l’action,
partent des éléments les plus simples de la langue écrite, les graphèmes, et fournissent à l’élève leur équivalence sonore. Le cerveau apprend à reconnaître les uns et les autres, à mémoriser les liens qui les unissent et à les assembler pour trouver la signification des mots. On lui fournit donc les éléments à intégrer dans son lexique des phonèmes et dans celui des graphèmes ainsi que les lois de leur assemblage. Il dispose ainsi des éléments dont son module phonologique a besoin pour exécuter son travail. Les risques d’erreurs dans l’association son/graphisme ne sont pas entièrement abolis mais sont très limités. Ces pédagogies facilitent et accélèrent le déclenchement des saccades et optimisent la qualité des données transmises au module supérieur.
D’approche diamétralement opposée ces pédagogies placent l’élève dans la situation d’un sujet contraint d’apprendre à lire sans aide. C’est sans doute la raison pour laquelle elles sont parfois appelées « méthodes naturelles ».
Les adeptes de ces méthodes affirment que les mots écrits sont perçus dans leur ensemble, mis en mémoire sous leur forme graphique et « reconnus » lorsqu’ils sont à nouveau rencontrés. Nous savons qu’il n’en est rien. Le cerveau ne peut les identifier qu’en cherchant dans chacun d’eux des repères graphiques auxquels il pourra rattacher des sons. Le code alphabétique de la langue ne lui étant pas fourni, il lui faudra le découvrir en comparant les sons entendus avec les formes vues. Il remarquera peu à peu des similitudes qui le mettront sur la voie en faisant apparaître des liens entre les phonèmes de sa langue et les signes susceptibles de les représenter.
Nous prendrons un exemple pour illustrer la manière dont le cerveau procède lorsqu’il est soumis à ces pédagogies. Supposons que l’on présente à l’enfant, une liste de noms d’animaux : « lapin », « cheval », « vache », « chat ». Il s’agit là d’une situation particulièrement simple à côté de celles auxquelles les élèves sont confrontés en classe où ils sont d’emblée mis en présence de phrases entières. Si l’enfant sait bien discriminer les sons, il va remarquer qu’il entend dans chacun de ces mots des sons identiques. Il prend conscience du fait que le son « l », facile à identifier, se trouve présent dans les deux premiers mots, au début pour l’un d’eux, à la fin pour l’autre. Il constate alors qu’il existe un signe graphique identique au début et à la fin de chacun de ces mots. Il en déduit que le « l » correspond à ce son. Il met en mémoire cette information. Il remarque également que dans chacun de ces mots, il entend un même son : le « a ». Il cherche alors l’existence d’un signe graphique commun à ces quatre termes. Le seul élément présent dans chacun de ces mots est le signe « a ». Il en déduit que ce signe se prononce « a ». Dans la liste que nous avons choisie figure une difficulté. : la lecture du son « ch ». Dans sa recherche le cerveau se trouve confronté à un problème : dans « cheval » et « vache » la discrimination sonore isole un son identique. Il existe en effet dans chacun de ces mots des graphismes correspondant à la place de ce son : l’association graphique « che ». Il paraît donc logique que ces signes correspondent au son entendu. Pourtant dans le mot « chat » nous entendons ce son associé au « a » qui a déjà été identifié. La solution de l’énigme viendra quand le cerveau aura compris que le son « ch » se réduit en fait à « ch » et non à « che ». Il reste cependant un problème qui ne peut pas être résolu à ce stade de l’apprentissage : la prononciation de « ch+a » suffit pour donner le son « cha ». Comment se fait-il qu’il existe à la fin de ce mot un signe qui n’a pas d’équivalent sonore ? Ce type de questions concerne toutes les marques graphiques non prononcées liées aux variations grammaticales de la langue. Elles ne trouvent de réponses qu’au fil du temps lors de la compréhension de la structure de la langue et constituent une difficulté majeure quand une pédagogie s’écarte de la rigueur que l’abord rationnel du langage par l’hémisphère gauche impose à la compréhension du langage.
On mesure facilement la complexité d’une telle démarche. Pour parvenir à découvrir sans erreurs les liens sons/graphiques l’enfant doit disposer de capacités de discrimination des sons, d’identification et d’orientation des formes parfaites. Le risque de confusions est majeur pour les sons phonologiquement proches tels « v/f », « s/ss/z », « m/n », ainsi que pour les signes graphiques symétriques tels « b/d/p/q », « n/u » donc « on/ou », « an/au », etc. Les phonèmes représentés par des assemblages de graphèmes constituent une difficulté majeure. La compréhension de la lecture, et plus encore de l’écriture, du « c/ce/ci/ç », du « g/ge/gi », du « g et gu », du « oin » souvent entendu « ou+in », représente souvent pour les élèves confrontés aux méthodes globales ou semi-globales un obstacle qu’ils ne peuvent surmonter. Utiliser des pédagogies qui contraignent l’apprenti lecteur à découvrir seul le code alphabétique de sa langue revient à condamner à l’échec tous ceux qui présentent des difficultés susceptibles de perturber le travail du temps phonologique de la lecture. Beaucoup d’enseignants refusent d’admettre cette réalité et prétendent que le fait d’isoler un graphème dans chaque page du livre de lecture pour le faire reconnaître aux élèves dans les phrases revient à leur proposer un apprentissage du code alphabétique. C’est ainsi que nombre d’entre eux considèrent que le tristement célèbre « Ratus » est une méthode alphabétique ! Ils oublient l’essentiel : chaque graphème isolé est noyé dans les autres éléments graphiques du texte. Mis en présence d’une phrase le cerveau de l’enfant tente immédiatement de décoder tout ce qu’il peut parvenir à comprendre et va immédiatement tomber sur des situations insolubles. Nous citerons comme exemple des pages destinées à faire retenir le graphème « a » où l’on trouve des mots contenant des « an », « am » « ain », « ain » ou des pages centrées sur l’apprentissage du « i » contenant des mots qui renferment des « in », « ain », « oin », « ion ». On pourrait malheureusement multiplier les exemples de ce type. De même, on comprend mal comment on peut espérer faire découvrir aux enfants des classes maternelles le code alphabétique de la langue en affichant sur les murs de la classe les chiffres écrits de un à dix, les jours de la semaine, les mois ou, pire encore, les prénoms des élèves. Trouver les bases de la correspondance sons/graphismes à partir de François, Philippe, Sophie, Baptiste, Guillaume, Gilles, Gwénaël, Jean, Jeanne, Johann, Jonathan, Geoffroi, Cécile, Clotilde, Sandrine, Allan et Andrew où les liens entre phonèmes et graphèmes varient en fonction des origines de la langue tient de l’aberration totale ! C’est pourtant ce à quoi sont exposés les écoliers d’aujourd’hui.
Partis sur de pareilles bases, on conçoit que les enfants, déjà désarçonnés par les épreuves auxquelles ils ont été confrontés en maternelle perdent vite pied en CP lorsqu’ils se retrouvent en présence de phrases entières dont il leur faut découvrir le sens. Ceux qui sont incapables de s’adapter à la pédagogie qui leur est proposée n’ont que deux solutions possibles : apprendre et réciter par cœur les pages qu’ils doivent « lire » ou tenter d’inventer un contenu à partir de ce qu’ils comprennent. Dans ce cas les images qui accompagnent le texte fournissent au module supérieur du cerveau des éléments qu’il va tenter d’utiliser pour suggérer des solutions de décryptage au module phonologique défaillant. La lecture « devinée » est alors hésitante, peu fluide et entachée de multiples erreurs. Quant à la restitution de l’oral par écrit, sa qualité est le plus souvent catastrophique, même chez les enfants qui ont réussi à lire correctement « malgré » ces méthodes aberrantes. La raison en est simple. Lors de cette transcription le module supérieur ne peut plus se contenter de transmettre au module phonologique des suggestions phonologiquement valables. Il lui faut intégrer les données stockées dans la totalité de l’immense réseau interconnecté qui permet la compréhension et l’utilisation de la grammaire. S’il existe des insuffisances ou des erreurs dans les connaissances mises en mémoire à un quelconque niveau de traitement de l’information, le module supérieur ne pourra pas extraire de ce réseau les données nécessaires pour effectuer le travail demandé. L’utilisation du langage écrit devient pour ces enfants un véritable cauchemar. Il ne faut pas s’étonner de les voir développer un désintérêt devant le travail scolaire, un repli sur soi lié au sentiment d’échec, un sentiment d’exclusion, de multiples manifestations psycho-somatiques d’angoisse voire même de l’agressivité.
Une preuve concrète de l’importance de l’apprentissage du code alphabétique dans les pédagogies de la lecture est apportée par les recherches très approfondies qui ont été réalisées sur ce sujet par le NICHD. Le National Institute of Child Health and Human Development a été créé aux Etats-Unis il y a environ 25 ans par le Département de la santé pour étudier l’illettrisme. Il dispose d’un groupe de travail, le « National Reading Panel teaching children to read », qui a publié en décembre 2000 un rapport très détaillé faisant état des effets de l’entraînement systématique à la discrimination des phonèmes sur la qualité de la lecture et de l’orthographe.
Ce travail, constitué d’études menées avec une très grande rigueur méthodologique, objective les liens qui unissent la connaissance de la structure phonologique de l’oral et la maîtrise de l’écrit.Ilcompare les performances des groupes d’élèves qui ont bénéficié d’un entraînement phonologique par rapport à ceux qui suivaient les procédures d’apprentissages habituelles. Les résultats montrent sans ambiguïté que les classes qui ont bénéficié d’un entraînement phonologique systématique et d’un apprentissage du code alphabétique sont beaucoup plus performantes dans tous les aspects de la lecture (fluidité, lecture de mots inconnus et compréhension des textes lus) que celles dans lesquelles une procédure d’apprentissage global ou semi-global a été choisie.
S’il fallait une confirmation concrète à une évidence tirée de la compréhension du mode de fonctionnement cérébral, ces études nous l’apportent. Leurs conclusions ne peuvent surprendre : tout ce qui facilite la mise en mémoire correcte des liens qui unissent les graphèmes et les phonèmes simplifie le travail du module supérieur du cerveau et lui permet d’atteindre son maximum d’efficacité en s’appuyant sur des données phonologiquement exactes, facilement et rapidement utilisables. L’auteur de ces lignes a pu constater, à son modeste niveau, que l’association systématique à l’apprentissage de la lecture d’exercices moteurs et sensoriels qui favorisent la mise en place du lien son/graphisme permet à tous les enfants, grâce à un travail exécuté sur le son et le graphisme, d’accéder à la compréhension des éléments lus et au goût de lire qui en est le corollaire direct. A l’opposé, les lecteurs qui ne maîtrisent pas bien le code phonologique commettent de nombreuses erreurs qui perturbent considérablement leur recherche du sens et les prive du plaisir de lire. Ainsi, non seulement l’apprentissage du code alphabétique n’est jamais une entrave à la compréhension du texte lu mais il est une nécessité fondamentale dont le cerveau ne peut se passer pour accéder au sens de l’écrit. Les très nombreux travaux d’une valeur scientifique incontestable dont nous disposons aujourd’hui apportent la preuve de cette réalité incontournable. L’apprentissage du code alphabétique des langues phonogrammiques est la condition essentielle du succès et la meilleure assurance d’accès au sens de l’écrit chez tous les enfants.
Les différents éléments qui se dégagent de cet exposé permettent de définir les critères qu’il faut respecter pour proposer une méthode d’apprentissage de l’écrit qui répondent aux exigences du cerveau et lui apporte les éléments dont il a besoin pour faciliter son travail à la fois dans le domaine phonologique et dans la découverte du sens. Nous en résumerons les points principaux :
- méthode alphabétique stricte s’appuyant toujours sur les acquis pour proposer chaque élément nouveau en excluant les lettres finales muettes tant qu’elles ne peuvent pas être expliquées de manière logique ;
- présentation en noir et blanc pour faciliter la vision des formes et absence d’images pour ne passolliciter l’hémisphère droit et pour éviter toute approche intuitive du sens. Cette rigueur, parfois mal comprise par les adultes qui pensent que tous les apprentissages doivent être ludiques, est au contraire, très bien accueillie par les enfants qui sont fiers d’être pris au sérieux et traités « comme des grands » ;
- introduction dans chaque leçon d’exercices sensori-moteurs pour favoriser les conditions d’établissement du lien son/graphisme et corriger les éventuels déficits que les enfants peuvent présenter lorsqu’ils débutent l’apprentissage de l’écrit ;
- travail de compréhension du sens de l’écrit par entraînement à la reformulation des éléments lus et au résumé de texte avec apprentissage du vocabulaire ;
- association de l’apprentissage de l’écriture à celui de la lecture.
Une démarche identique à celle qui vient d’être présentée pour la lecture a été réalisée par France BADOUR pour permettre un apprentissage aisé de l’orthographe sous ses différents aspects : usage, grammaire, conjugaison. L’efficacité de cette pédagogie vient du fait qu’elle répond, elle aussi, aux exigences du fonctionnement cérébral. Débutant par la mise en place des données les plus simples, elle introduit peu à peu les éléments plus complexes. La rationalisation des apprentissages répond à la demande de catégorisation du cerveau et allège ainsi le travail de la mémoire en fournissant desrepères
sur lesquels l’élève s’appuie. Les exercices présentés font intervenir l’oralisation et l’épellation qui jouent un rôle essentiel dans l’établissement du lien entre les sons et les graphismes et permet le plus souvent aux dysorthographiques de remédier également à leurs carences dans le domaine de la lecture. L’interactivité du travail établi entre l’élève et la personne qui l’encadre, permet, par un système de questions et réponses qui doivent toujours être formulées de manière identique, d’acquérir peu à peu les automatismes nécessaires à l’application des règles de la langue écrite.
Le but que doivent se fixer les méthodes d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de l’orthographe doit être de permettre au plus grand nombre possible d’enfants d’accéder à une maîtrise de la langue écrite qui leur donne les moyens d’acquérir des connaissances et de mettre en valeur leurs aptitudes. Mais, bien que cet objectif soit essentiel, il ne doit pas être le seul but visé par ces pédagogies. Les circuits du langage, mis en place lors de l’apprentissage de la langue orale et écrite, constituent des réseaux en permanence sollicités dans l’expression de la pensée conceptuelle. Au moment où les plus récents modes d’exploration du fonctionnement cérébral nous apprennent que l’apprentissage se traduit par des répercussions anatomiques visibles sur les aires du cortex et les circuits qui les unissent, nous mesurons clairement la responsabilité de la pédagogie dans la construction de cette « tête bien faite » que Montaigne considérait, à juste titre, comme le but de toute instruction. Les répercussions de choix pédagogiques bâtis sur des hypothèses erronées qui tournent délibérément le dos aux connaissances de leur époque apparaissent sans équivoque : de très nombreux enfants sont irrémédiablement condamnés à l’échec parce que les pédagogies qui leur sont imposées pour apprendre à lire sont contraires aux exigences du fonctionnement cérébral. Cette situation va malheureusement perdurer dans notre pays. En effet, M.LANG et M.FERRY, les deux derniers ministres de l’Education nationale, ont tous deux écrit que la « querelle des méthodes » n’a pas lieu d’être puisque les pédagogies actuellement utilisées, situées, selon eux, à mi-chemin entre les méthodes alphabétiques et globales, constituent un bon compromis entre les unes et les autres. Si le grand débat sur l’école ne conduit, comme on peut le craindre, à aucun changement en ce domaine, nos enfants continueront à être détruits, en toute impunité, comme ils le sont depuis plus de deux générations. Quant à ceux qui prétendent qu’il n’existe pas d’arguments scientifiques pour trancher le débat, pourquoi refusent-ils d’ouvrir les yeux et de s’informer ?
Gh. WETTSTEIN-BADOUR
*1 « Lecture : la recherche médicale au secours de la pédagogie » (Prix Enseignement et Liberté 1994).
*2 « Lettre aux parents des futurs illettrés » (Editions de Paris. 2000).
*3 « Pour bien apprendre à lire aux enfants ». Méthode FRANSYA, alphabétique plurisensorielle.
*4 « Pour bien apprendre l’orthographe ».
MĂ©thode FRANSYA.
Trois niveaux sont disponibles, dont un présenté sur cassettes audio pour les élèves autonomes et les adultes.
Ces ouvrages sont disponibles sur demande Ă :
FRANSYA
33, rue de la Mariette
72000 Le Mans. France
02 43 84 55 06
Mà J 9 Août.08
Origine de l’Homme
NewsLetter n°1
Programme 2008
site créé le 27.04.2003
Notre Ecole Ă la Maison